Trop décousu et trop larmoyant pour être honnête.

Ne nous attardons pas sur ce qui fait plaisir, la Famille Asada est ce qu’on pourrait appeler un « Feel Good movie » comme il est bon ton de nommer les œuvres qui nous font quitter le cinéma avec une sorte d’esprit cotonneux, le sourire à la lisière des lèvres. Les bons sentiments vont bon train et l’ensemble est assez rondement mené pour que la guimauve ne dégouline pas assez pour nous soulever le coeur. Si c’est ce que vous cherchez en vous payant un ticket de cinéma, ce long métrage ne se paye pas de bons mots et vous en donnera pour les dix balles que cela vous a coûté.

Mais je suis un indécrottable, je m’attarde sans arrêt sur ce qui fâche (et accessoirement j’ai un pass cinéma, donc quoi qu’il se passe, je paye mes seize balles par mois).

Le film pâtit essentiellement d’une mise en boîte très scolaire, sans réelle idée ni énergie, et sans mouvement autre que de filmer platement le récit qu’il déroule. Le découpage des différentes scènes fait la part belle à des valeurs de plans peu ambitieuses, proche d’un découpage téléfilmesque sans réélle ambition esthétique. Encore une fois, le cinéma ici, c’est avant tout une histoire à raconter, sans faire de fioritures ou bien s’exprimer par le son et l’image.

C’est vraiment dommage car il reste quelques idées parfois simples mais trop peu nombreuses où on devine un réalisateur proche de l’épure et de la subtilité, mais qui s’encombre de scènes un brin larmoyantes et grossières. J’en veux pour exemple cette idée de dix secondes où le cadet de la famille, photographe et « héros » de cette histoire - alors que la deuxième partie le voit se muer en observateur assidu des photos des autres (il nettoie les photos retrouvées dans les décombres du tsunami de 2011 pour les exposer et les restituer chemin faisant à ceux qui restent) – contemple sans rien dire deux photographes de presse qui « dirigent » un employé déblayeur et l’encouragent à prendre la pose. L’acteur ne dit rien mais son jeu passe par le regard, et tout le dépit du monde se lit sur son corps car le comportement des deux photographes le condamne à juger durement sa position esthétique d’antan. Comment lui tente de mettre en scène le réél depuis le début (en l’occurrence sa famille dans des situations rocambolesques) alors que le réél suffit à l’émouvoir (les milliers de photos retrouvées dans les décombres ?

Le cinéma japonais qui s’exporte par chez nous que j’aime tant se tait très souvent, comme dans cette scène. Souvent il montre, il capte, il use des moyens que lui offrent le cinéma pour ne pas se contenter de filmer des gens qui parlent. Quelle idée puissante que de remettre en perspective le parcours de celui qu’on suit depuis le début par une scène fugace, culottée car un œil non attentif pourrait passer à côté.

Hélas, cette scène se retrouve coincée au sein d’un scénario décousu, légèrement boursouflé, où beaucoup de choses supposées émouvantes sont imposées au spectateur, sont stabylotées pour bien faire comprendre qu’on doit pleurer, à ressort d’une musique à la tonalité univoque et au jeu grandiloquent de la quasi-totalité des acteurs (mention spéciale au père et aux enfants émaillant le film qui à force de mimiques, de grimaces éplorées et d’yeux qui coulent, nous font bien comprendre que chialer fait partie du deal!). A cela s’ajoute une orgie de personnages creux, qui font semble t-il partie de la structure du scénario pour être totalement abandonnés par la suite, si ce n’est pour servir de simple prétexte à faire exister le cadet (le frère aîné, inexistant ; la mère, inexistante ; la compagne du héros, inexistante et j’en passe).

Malgré tout, l’ennui ne guette pas, l’ambiance est au beau fixe et tout le monde sort de la salle contentés. Il n’y a guère qu’un rabat-joie comme moi pour trouver à y redire.

EctoBeTheBest
5
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le 31 janv. 2023

Critique lue 83 fois

Gaspard Hubert

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