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Un second film pour Karan Johar, plus complexe et moins édulcoré que son Kuch Kuch Hota Hai

Réalisé 3 ans après son premier film, le très consensuel Kuch Kuch Hota Hai, Kabhi Kushie Kabhie Gham… efface en partie les excès de bons sentiments en intégrant à sa romance rose bonbon les rapports familiaux, avec la figure paternaliste incarnée par le charismatique Amitabh Bachchan, en proposant une vision moins édulcorée – quoique le qualificatif « sur-coloré » serait plus approprié à cette manière d’appréhender les enjeux émotionnels – et plus complexe à sa narration.


On retrouve la méga-star Shah Rukh Khan, qui a pris un peu de bouteille, et commence à corriger son jeu parfois un peu trop expressif pour incarner le bellâtre épris de la jolie Kajol. Alors bien sûr, le potard visuel super léché à la Ken et Barbie est toujours aussi poussé à donf afin de nous faire naviguer dans un univers hyper sirupeux dégoulinant de bons sentiments, mais Johar y maitrise mieux les tenants et aboutissants de par une mise en scène habile qui parvient à cacher les défauts de surabondance inhérents à sa première œuvre.


Afin d’aborder de la meilleure des façons, ce cinéma indien, et sans avoir encore eu suffisamment le temps d’explorer sa pachydermique filmographie, il faut, je pense, probablement faire abstraction de nos acquits d’occidentaux biberonnés à l’ultra-réalisme et au cynisme inhérent à notre existentialisme délavé. Tenter de comprendre la culture indienne, qui au-delà des aspects traditionnels et rituels inhérents à une spiritualité d’une grande complexité, est une gageure qui demande une mise en suspend de nos principes et mentalités. Bien vouloir le temps d’un film, se laisser bercer par les douces illusions antidépressives de ce déluge de bons sentiments poussés dans leur dernier retranchement, intégrer le fait que la notion de temps n’a pas la même connotation là-bas qu’ici, que la famille constitue une base forte, un socle incontournable, avec la figure des parents comme piliers, et que l’on est dans une société patriarcale. Lorsque l’on a intégrer ces principes comme autant d’évidences, on peut tenter de le laisser porter par cette manière d’appréhender le cinéma.


Si l’on parvient à s’immerger dans cet océan d’esthétisme luxuriant, de musiques folkloriques, et de sentimentalisme colorié à la gouache, saupoudré de comédie jubilatoire et de danses endiablées, que l’on laisse de côté nôtre rationalisme et que l’on fait taire notre cynisme, pour se laisser porter par ce déluge euphorisant, on peut alors en découvrir plus de subtilités et de complexités, dans les rapports familiaux entre autres, que ce que cette imagerie flamboyante nous donne à laisser croire.


Le réalisateur nous invite à retrouver nôtre âme d’enfant l’espace d’un film afin de mieux nous recentrer sur certaines valeurs qui sont devenues désuètes et mal aimables dans notre société existentialiste, et de bien vouloir se laisser porter par la simplicité des émotions primaires. Comme le disait très bien un article paru dans le magazine fluctuat net : « Hollywood filme dorénavant des machines et des acteurs virtuels. A Bollywood, on s'accroche encore au regard des humains. » C’est sans doute dans cette voie qu’il faut s’avoir s’immiscer afin d’appréhender de la meilleure des façons ce torrent de bons sentiments bombardé de sur-colorisation.


Quand on est parvenu à intégrer ces facteurs déterminants pour continuer à explorer vaillamment cette richesse visuelle absolue et ce raffinement pour les papilles, de tous les instants, on peut se laisser porter par l’idée de ce discours sous couvert d’une certaine morale que l’on qualifiera de consensuelle, plus complexe que ce que son saupoudrage multicolore nous laisse voir.

philippequevillart
7

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le 14 juin 2021

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