J'aime Michel Deville. J'aime son cinéma ludique, changeant, polymorphe, non formaté où le réalisateur essaie une recette différente à chaque film ( le bougre en a fait plus de trente et je suis loin d'avoir tout vu).
J'aime ses expériences, ses prises de risque comme ici ou dans d'autres films (voir la liste que je lui ai consacré) souvent réussies mais aussi ratées parfois (Le Paltoquet par exemple grand succès critique mais que je trouve trop forcé).
J'aime son sens de l'humour souvent teinté d'absurde (dans ce film on voit un authentique panier à salade où un bras de flic à l'arrière du car secoue la salade ; on voit aussi deux femmes rédiger un constat suite à une collision de poussettes).
Ces traits d'humour gentiment surréalistes (et brefs, comme des flashes incongrus et jouissifs) sont d'autant plus surprenants que le film n'est pas gai, qui nous parle de la crise affective frappant un Don Juan quarantenaire (le toujours impeccable Michel Piccoli, de loin un des meilleurs acteurs français) léger et sympathique mais un brin lâche et egocentrique qui se trouve dans les affres après avoir croisé une mystérieuse femme en bleue qui lui fait découvrir combien sa vie est creuse, sans rêves ni idéal, ce qui le conduira au drame.


Drame pour lui mais aussi pour la femme qui l'aime ( Léa Massari, plus belle que cent mille bimbos hollywoodiennes, qui n'ont pour tout charme que la taille de leurs poitrines siliconées) qui va tout faire pour le satisfaire, y compris l'aider à retrouver cette rivale, d'autant plus dangereuse qu'elle est un pur fantasme.
Ce résumé est bien pauvre, qui ne met en exergue ni les scènes surréalistes (la très belle scène du rêve en introduction ou la scène de la rencontre (et l'identité) de la femme en bleu ) ni les ravissantes disgressions d'un film qui emprunte, comme souvent chez Deville, les charmes d'un cinéma buissonnier, comme l'école peut être buissonnière.
Deville va même jusqu'à effectuer de surprenantes recherches formelles, toujours ludiques, comme ces flashbacks, à l'intérieur de flashbacks, à l'intérieur de flashbacks, étonnantes poupées russes cinématographiques. Il y a bien d'autres audaces formelles, dont on ne peut parler sans spoiler.


Ce résumé ne peut non plus faire état de la grande force de l'interprétation des deux acteurs, de la grande rigueur de Piccoli qui nous fait sentir l'implacable progression de son mal être, ni de l'impression de fragilité et de naturel que développe Massari, dont la détresse de n'être pas assez aimée se lit en filigrane sur son beau visage, émouvant et sensible.
C'est donc au spectacle unique de deux acteurs au naturel stupéfiant que nous convie Deville, dans un de ses films les plus délicats et les plus surprenants.

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le 4 févr. 2016

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Melenkurion

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