L’ouverture du film est mémorable : La rue principale est déserte. Seul un vieillard assis sur un trottoir joue sur une sorte de lyre. Un petit garçon passe à côté de lui et lui demande où sont tous les gens. Le vieillard lui dit qu’ils sont partis voir le lynchage. Le gamin se presse alors vers à assister à un spectacle. Arrivé sur place, on constate que les organisateurs de la cérémonie sont des organisatrices. Le gamin est néanmoins chassé, le condamné est pendu devant une assistance hypocrite. Un départ franchement réussi qui sous entend : « Attention Film Original ».
Suite à cette présentation de la petite ville, on part dans la campagne et rapidement survient une attaque de diligence brillamment et spectaculairement réglée : les cascadeurs sont au niveau : un cavalier saute et court sur les trains arrière de quatre chevaux alignés (avec cavaliers) pour aller se jeter sur un ennemi! Toute la scène est parfaitement rythmée et les paysages sont là.
Il y aura des scènes de poursuite et des bagarres mais il y aura aussi des scènes musicales qui vont se mêler habilement à l’action urbaine grâce à deux chansons interprétées par Audrey Totter (avec la voix de Peggie Lee en réalité) et, pour le reste à une belle musique de Stanley Wilson (50 ans de musiques de films).
Mais place aux femmes ! C’est un western et ce sont elles qui ont, une fois n’est pas coutume, les rôles les plus importants. Dwan aime les actrices (Deux rouquines dans la bagarre par exemple) :
Tout d’abord Joan Leslie (Hollywood Canteen de Delmer Daves, Le cavalier de la mort d’André DeToth avec R Scott), contrairement à ce que nous laisse penser l’affiche, tient le rôle principal, celui de Sally, jeune femme douce et respectable (neuve dit Jessie James) qui va se retrouver du jour au lendemain en tenancière de tripot et qui va devoir gérer les « entraîneuses ».
Puis Audrey Totter, (l’épouse de Robert Ryan dans « Nous avons gagné ce soir » de Wise) qui est ici Kate, ex-chanteuse de saloon et désormais épouse de Quantrill, qui n’hésite pas à jouer du poing et du pistolet. Elle force un peu son jeu au début, quand le film est en mode comédie, et puis elle devient plus sobre (même si elle picole pas mal) lorsque la fantaisie fait place au suspens et au drame. Elle est parfaite. Sa bagarre avec Joan Leslie est assez spectaculaire. Les deux femmes se confrontent ensuite, s’avançant lentement face à face, la main au dessus du revolver, dans un duel westernien très classique mais jusqu’alors exclusivement masculin. Les deux séquences sont très innovantes et assez bien réalisées.
Enfin, Nina Varela dans le rôle de la maire de Border City, femme imposante, despotique, intelligente, entourée exclusivement de conseillères.
Les hommes du film ne font pas dans la dentelle comme il se doit. On trouve des noms de la légende de l’Ouest comme le rustre Cole Younger (Jim Davis), Jesse James (Ben Cooper) adolescent que Sally tente de moraliser et Quantrill (notre Brian Donlevy reprenant son personnage de « Kansas en feu » de Ray Enright). Le principal personnage masculin, celui de l’espion sudiste est interprété sobrement par John Lund (Au Mépris des lois de George Sherman). Amoureux d’une femme Yankee dont il a tué le frère, son personnage demeure un peu mystérieux et attachant ; il aurait été le héros si les femmes n’avaient pas pris toute la place.


Dwan aurait tourné mille huit cents films ! Ça explique sans doute la solidité de son savoir faire dans tous les styles. Car chez ce cochon, tout est bon ! Avec un penchant cependant vers la comédie et, bien sûr, les actrices; on ressent un sourire bienveillant derrière la caméra. On passe alors sur les approximations du scénario qui doit avant tout avancer et mener à un « happy end » obligatoire et donc expédié.


En conclusion : Des personnages bien cernés (les méchants ont un bon fond, les bons ne sont pas sans défauts), des acteurs qui forcent la sympathie, des situations originales voire cocasses et une mise en scène alerte font que la partie a été, pour moi, gagnée.
J’ai regardé ce film hier soir au « cinéma de minuit » et, j’en suis encore étonné, je n’ai jamais eu sommeil.
Ensuite, j’ai bien dormi. Merci.

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le 13 avr. 2015

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