La notoriété de La Forteresse cachée vient de son influence revendiquée par George Lucas pour l'élaboration de son premier Star Wars. Une fois le film visionné on se demande pourtant par quels étranges détours de la création l’œuvre de Akira Kurosawa a pu inspirer l’œuvre fantastique de Lucas.


Car les séquences épiques ne sont pas légion. Vers le début la scène de mutinerie fait illusion et le metteur en scène prend à ce moment-là la posture du général dirigeant des centaines de figurants: une cohorte de prisonniers qui descendent un escalier y est confrontée à une armée de gardiens. On pense alors assister à un enchaînement de morceaux de bravoure dirigés par un grand AK, celui de Ran. Mais le film s'oriente alors dans la direction du comique, avec une part de surprise concernant un metteur en scène japonais réputé sérieux et il faut l'avouer un brin de déception. Tout se passe comme si le AK de 1958 voulait oublier la trop grande fidélité de son adaptation des Bas-Fonds de 1957 et la noirceur de son sujet. La Forteresse Cachée devient alors un conte burlesque pour le grand public avec princesse, château et général.


Les deux personnages principaux sont les deux paysans pauvres Tahei (aka C-3PO) et Matashichi (aka R2-D2), peureux, pas très futés et ne vivant que pour l’appât de l'or . Ils n'apportent pas seulement une touche de comique, mais monopolisent plus de la moitié du film, avec un peu trop de répétitions de leurs disputes, de leurs gesticulations et de leurs grimaces. Les personnages de la princesse et du général, interprété par Toshiro Mifune ont des rôles plus classiques a priori.


A priori seulement car la princesse ne semble régner que sur deux sujets (les deux bouseux) et le général n'a pas la moindre armée, même pas un aide de camp. On se prend vite à douter de leur fonction. La princesse, très autoritaire avec sa cravache, et simulant être muette, et le général, brutal et rusé (ne dit-il pas que les deux guignols avanceront quoiqu'il arrive si on leur fait miroiter de l'or) ne forment-ils pas un simple couple d'escrocs? Il est en effet assez courant qu'un homme appelle son épouse "ma princesse". Et le but du couple ne semble consister qu'à déménager leur tas d'or vers une nouvelle cachette, et pour cela ils ont besoin de deux imbéciles pour les aider à le transporter. Les deux guignols faciles à manipuler sont les cibles idéales. Après plusieurs tentatives de trahison, la fuite devant des centaines d'ennemis (la police?), l'or arrivera à bon port et les paysans seront récompensés par une baguette en or, et se prosterneront en échange devant leurs bienfaiteurs, qui eux, pourront disposer de 750 kilos de métal précieux rien que pour eux.


La Forteresse cachée serait une simple farce s'il n' y avait l'art de Kurosawa de trouver des cadres parfaits: une simple montagne recouverte de poussière devient ainsi une montagne magique, une simple planque dans la montagne devient une forteresse cachée et une procession célébrant la fête du feu prend des allures de rêve éveillé; Mifune se bat en duel à la lance contre un autre samouraï, et c'est un combat de légende de plus dans sa filmographie.


Un film avec plusieurs tonalités donc: réaliste, satirique, burlesque, héroï-comique. A peu près tout sauf du fantastique, de l'épique et de la science-fiction. Et là j'en viens à me demander si George Lucas a vu le même film que la majorité des spectateurs et ne s'est pas tout simplement trompé de titre de film.


https://www.senscritique.com/top/Les_meilleurs_films_de_Akira_Kurosawa/1590953

Créée

le 19 mars 2017

Critique lue 257 fois

3 j'aime

2 commentaires

Zolo31

Écrit par

Critique lue 257 fois

3
2

D'autres avis sur La Forteresse cachée

La Forteresse cachée
Marius
8

Team Fortress

On pourrait en refaire des caisses dans le genre, c'est le film qui a inspiré "Star Wars". OK, les deux paysans/voleurs ressemblent furieusement à R2PO. Oui, c'est à travers leurs yeux que l'histoire...

le 18 oct. 2010

48 j'aime

16

La Forteresse cachée
Kobayashhi
9

Mifune mon héros !

Réalisé en 1958, ce 19ème long métrage est surtout utilisé comme anecdote lorsque un certain Geroges Lucas a révélé s'en être partiellement inspiré pour Star Wars, ce n'est pas pour autant que vous...

le 26 août 2013

38 j'aime

6

La Forteresse cachée
Grimault_
8

[Hors sujet] Les influences du cinéma d'Akira Kurosawa dans Star Wars

Si Star Wars est devenu, plus qu’une franchise, un véritable univers unique et codifié au sein de la culture populaire, son identité singulière n’est pas le fruit du hasard. Sans rien enlever à...

le 22 déc. 2019

32 j'aime

9

Du même critique

La Vie scolaire
Zolo31
7

Wesh Moussa, j’te connais, mec de mon bâtiment !

J’ai bien failli faire l’impasse sur ce film mais nous étions le 31 août et il me restait deux tickets de cinéma à utiliser dernier délai, donc retour vers l’enfer du 9-3, bien planqué cette fois-ci...

le 1 sept. 2019

34 j'aime

10

Thalasso
Zolo31
7

Extension du domaine de la lutte par l'utilisation combinée des bienfaits du milieu marin

Le cinéma français aurait-il trouvé un nouveau souffle grâce à l'absurde ? En même temps que sort Perdrix du prometteur Erwan Le Duc paraît donc le nouvel opus de Guillaume Nicloux, Thalasso. Le...

le 21 août 2019

28 j'aime

10

Julieta
Zolo31
5

Homéopathie? Pauv' Julieta!*

Similarité, identité, conformité et similitude. Le dernier opus d'Almodovar respecte ces principes. Principe de similarité Julieta est un film sur les rapports mère - fille, comme tous les films...

le 1 juin 2016

28 j'aime

1