Au fond, je n'ai pas l'impression qu'on filme souvent vraiment la mort au cinéma : on l'utilise, on la représente, on parle du deuil, mais qu'on filme le processus même de mort comme Pialat le fait dans la Gueule ouverte, c'est rare. Et pourtant, la Gueule ouverte ne filme au fond pendant 1h30 que des tentatives de déni, de se détourner de l'inévitable : on boit, on couche, on mange, et on fume, pendant que dans la pièce d'à coté, on meurt. Les comportements minables des uns ou des autres ne sont pas pour autant des réactions à la douleur, non, dès la première scène, sans échappatoire, sans contre-champ, il est très clair que ce que Pialat nous donnera à voir n'est au fond que la routine, l'habituel, auquel duquel va se greffer un trou noir. La maladie n'a même pas la chance d'être progressive, elle s'éveille dès le début du film et dévore tout, sans même laisser une belle scène d'adieu ou un dernier mot qui expliquerait ce qu'on devine, ce qu'on perçoit. Au détour d'un raccord, le silence tombe, pour de bon, et l'attente s'installe. Et puis la mort arrive, on ne la voit même pas, et le temps de deux plans, la douleur surgira le temps de deux ou trois plans sublimes, et on l'enfouira rapidement, parce qu'il faut organiser l'enterrement, et on refera à manger, et on rallumera une cigarette de plus, et puis là, ce n'est plus vraiment la mort, donc les lumières s'éteignent.
TarkovskiNautique
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le 30 mars 2020

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