Ce n'est que le deuxième film de Pollet que je vois (c'est par ailleurs son premier long-métrage) et j'aime tellement son style. Ici, il nous balade pendant 1h15 par la seule force du montage. Dans un style purement Nouvelle Vague, et qui annonce le fabuleux L'année dernière à Marienbad de Resnais, il nous fait explorer les tourments d'un homme, coincé dans son passé. Les images se répètent, les phrases résonnent, le puzzle prend forme peu à peu et l'on se laisse guider sans trop comprendre ce qui se passe, tout en saisissant le mal-être profond de celui qui nous parle et ne souhaite qu'une chose : s'évader. L'idée du château est alors brillante. Prison du corps et de l'âme, point d'ancrage du récit, il revient sans cesse et rappelle au personnage ses moments avec ses amis, ce temps révolu où s'il était déjà seul, il ressentait tout de même la compagnie. Pollet expérimente, tente, parfois nous perd totalement, mais il nous charme surtout par son amour des choses simples. Une danse de Claude Melki dans un jardin, une chanson dans un bar, un air de guitare au coin du feu. Derrière ce qui semble être une fumisterie stylistique - qui a du plaire à Godard tant le montage des deux hommes se rejoignent -, se cache donc une réalité toute simple, celle du désespoir de la solitude et de l'inertie qui gangrène jusqu'à rendre fou. La ligne de mire est alors tant celle qui pointe chacun des personnages évoqués, tous éphémères, quelle celle de l'horizon vers lequel le personnage essaye de se tourner pour aller de l'avant. C'est beau, inventif et fascinant. Jean-Daniel Pollet mérite décidément beaucoup plus d'attention qu'il n'en a pour le moment.

eliebartin
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le 9 sept. 2020

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Elie Bartin

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