Ma dernière vraie frousse en date, de celles qui ont tant le goût de la répulsion que de la fascination, faisant attendre la fin comme une délivrance d'une oeuvre qui agrippe et enlace de tout son long.

Un vrai sentiment anxiogène ressenti oui, de ceux que beaucoup trouveront risible et puéril, habitués à chercher le sursaut dans des avalanches de gore gratuit et malsain tout en s'enfournant des poignées de chips dans le gosier. Mais c'est sans l'ombre d'une honte quelconque que je laisse ici cette émotion inquiétante, tant elle est l'un des symptômes de ce qui se faisait petit à petit à mes yeux le plus grand film d'horreur jamais vu jusqu'à présent.

La mise en scène de Wise tient du génie, fabuleuse dans ses moindres choix, jusqu'aux plus infimes de ses détails. Une photographie magnifique et finement étudiée, donnant vie à ces façades doucement érodées, offrant un éclat d'une étrange vivacité à ces fenêtres béantes, yeux multiples de cette vieille bâtisse, dantesque personnage principal dressant sa terrifiante et mystérieuse prestance au milieu des bois.
Les plans s’enchaînent dans une succession picturale saisissante, entre intérieurs fortement contrastés de lueurs vives et recoins lugubres et verrière ensoleillée, nimbée de lumière blafarde enveloppant personnes de chair et êtres de pierre dans un linceul d'étrangeté insaisissable où les limites se brouillent dans un onirisme ténébreux d'aveuglante clarté.

Dans ce contexte happant, Wise construit minutieusement son petit conte horrifique, légère histoire de fantôme digne d'un frisson sur un ton de feu de camp. Et va bien au delà. Il ne raconte pas, il murmure, passant maître sidérant dans l'art d'une suggestion désarmante, arrivant à faire de chaque vide une présence prenante et effrayante, sussurant l'aventure de quelques intrigués dans le giron de ce sombre palais de nacre et d'ébène, là où le soleil fugitif valse avec la nuit taquine.

Et par dessus tout, Wise dépasse le simple cadre du film d'horreur en posant sa subtile patte sur l'ensemble, marquant cette déambulation hasardeuse et cette symphonie de cris stridents de son cynisme railleur et de son approche un brin professorale, aussi doucement affectueuse que sournoisement grinçante. Le réalisateur met en scène le surnaturel et le questionne, interrogeant les croyances, évoquant la science si malléable aux petites teintes hypocrites, et proposant une vraie réflexion comme bonus au nœud d'angoisse si savoureusement élaboré.

L'ensemble est clairement un cran au dessus de tout ce que j'ai pu voir dans le domaine, se permettant de dépasser son simple genre pour se faire à la fois conte horrifique, tragique et poétique, proposant un final poignant d'un curieux romantisme et comme empreint de ce léger ton moqueur si bienveillant, propre à un homme d'un grand recul sur son art et son sujet, qui même après t'avoir fait suer de la glace évoquera, le sourire en coin, son affectueux désabusement.
zombiraptor
9
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le 31 janv. 2014

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zombiraptor

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