Alors que le film s’ouvre avec des airs de teen-movies gentillets, il faudra voir le père rouer de coups le petit ami et entendre les menaces de mort faites à sa fille pour comprendre que «What Will People Say»(La mauvaise réputation) sera une expérience douloureuse. Ici les qu’en-dira-t-on sont au coeur de leur tradition musulmane et la jeune Nisha est littéralement écartelée entre deux cultures qui s'affrontent. C’est une dramaturgie contemporaine magistralement incarnée par Maria Mozhdah, et «What Will People Say» laissera l’impression d’avoir vécu un merveilleux moment de cinéma au milieu d’une histoire atroce.


Lorsqu’elle est prise en otage par son propre père (Adil Hussain) pour être envoyée chez sa tante à Islamabad, la sentence est simple, mariage ou abnégation totale. Il y a une tension permanente et la menace insoutenable de ses tortionnaires aux visages familiers. Lorsqu’il lui faudra brûler son passeport, sauter d’une falaise ou se dévêtir devant trois hyènes corrompues de la police pakistanaise, la beauté grinçante de la photographie est assourdissante, insupportable. Ici la réalisatrice Iram Haq, qui elle-même sera renvoyée au Pakistan par sa famille à l’âge de 14 ans, nous conte l’interminable cauchemar de cette adolescente avec une infinie justesse.


Nulle fioriture, l'histoire suffit et elle est servie avec les tripes. Le bouleversant destin de cette jeune femme nous parle de culpabilité, d’amour(s) et d’émancipations impossibles. Mais si la narration transcende, c’est de créer un sentiment d'empathie envers ces personnages: Nisha naturellement mais plus curieusement son père, sa mère (Ekavali Khanna) et sa famille à Islamabad. La réalisatrice manie très habilement son discours et mettra en exergue la dévotion parentale et les valeurs familiales qui drainent cet extrémisme. «What Will People Say» n’est pas un film assassin pour autant. L’heure n’est pas aux glaives, mais une histoire nous est contée, avec une hauteur et une élégance rare sur un tel sujet.


En ligne sur Cineman.ch

guardianalfred
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 25 juin 2018

Critique lue 671 fois

5 j'aime

Critique lue 671 fois

5

D'autres avis sur La mauvaise réputation

La mauvaise réputation
guardianalfred
8

Une hauteur et une élégance rare ...

Alors que le film s’ouvre avec des airs de teen-movies gentillets, il faudra voir le père rouer de coups le petit ami et entendre les menaces de mort faites à sa fille pour comprendre que «What Will...

le 25 juin 2018

5 j'aime

La mauvaise réputation
TristanTazé
8

La Mauvaise Éducation

D'oppositions en oppositions, La Mauvaise Réputation tend à trouver la vérité absolue. La réalisatrice Iram Haq livre ici un récit très autobiographique à travers Nisha, une jeune norvégienne...

le 23 déc. 2017

4 j'aime

La mauvaise réputation
Adao
6

Une descente aux enfers, sans nuances

Le thème de la tradition dans les familles pakistanaises exilées en Occident avait déjà été évoqué dans un long-métrage en 2017, par le réalisateur belge Stephan Streker, dans Noces. On y suivait une...

Par

le 22 juin 2018

3 j'aime

Du même critique

Petit Paysan
guardianalfred
7

Aux sombres héros de la terre

A 32 ans, Hubert Charuel signe un premier long métrage, repéré à Cannes, dont l'intrigue se déroule dans une exploitation laitière. Tourné dans la ferme de son enfance en Champagne-Ardenne, il pose...

le 24 août 2017

21 j'aime

2

Place publique
guardianalfred
6

Formule grippée mais générosité intacte.

Si Jean-Pierre Bacri se révélait formidable de cynisme dans Le sens de la fête, l’acteur revient dans Place Publique avec une humeur toute aussi noirâtre et jubilatoire. Misanthrope farci à la...

le 17 avr. 2018

17 j'aime

Budapest
guardianalfred
3

Les folles nuits hongroises ...

Après un passage chez les américains avec le récent Cold Skin (2017), Xavier Gens, réalisateur du très sulfureux Frontière(s) (2007), passe de l’horreur à la comédie et nous raconte une histoire...

le 28 juin 2018

14 j'aime