Cette critique contient quelques spoiler et rentre dans le cadre d'un devoir d'ou certaines digressions.


Je devais visionner à l’origine « L’emploi du temps » de Laurent Cantet. Un réalisateur reconnu qui a obtenu la Palme d’or en 2008 pour son long métrage « Entre les murs » et qui s’est longuement interrogé sur l’impact du travail dans la vie des gens. En effet c’est le seul réalisateur que je connaisse qui a réalisé un film sur la socialisation avant le travail, pendant le travail et après le travail avec respectivement, « Entre les murs », « Ressources Humaines » et « l’Emploi du temps ». J’apprécie globalement le travail du réalisateur pour le peu que j’en ai vu (« Entre les murs » et « Ressources Humaines ») même si je regrette une approche parfois trop manichéenne dans son travail avec des long métrages qui ne laisse jamais place à l’espoir d’un monde meilleur.


Cependant c’est quasiment par hasard que j’ai visionné « La mer à boire » de Jacques Maillot. Le long métrage s’attarde sur le combat de Georges Pierret interprété par Daniel Auteuil qui doit restructurer son entreprise à cause d’une accumulation de déficit. Pour cela, ce patron d’une entreprise d’aéronautique doit licencier la moitié de ses salariés pour certainement externalisé le service moulage de son entreprise. Ce film est donc l’occasion pour moi de visionné un film relativement récent sur le sujet des ressources humaines tout en ayant aucune connaissance au préalable sur le réalisateur dont je regarde pour la première fois l’un de ses longs métrage. L’occasion également d’expliquer l’échec d’un film qui avait pourtant du potentiel à la base.


Le long métrage était pourtant prometteur et cela ce voit dès la première scène du film réalisé en plan séquence. On y voit Daniel Auteuil circuler dans son entreprise pour s’enquérir de l’avancement des projets et discuter avec ses salariés. L’exécution du plan séquence et certes assez quelconque mais il est intéressant pour l’intrigue car il permet de voir le fonctionnement de l’entreprise avant les licenciements ce qui symbolise le calme avant la tempête. De plus cela montre l’apparente proximité de Georges Pierret avec ses salariés ce qui va à l’antithèse des patrons qui sont décrit au cinéma dont seul le profit les importe. Cependant, de manière paradoxal, le reste du long métrage est l’inverse de ce qu’évoque ce plan séquence.


En effet l’un des problèmes de ce film, c’est qu’il explique plutôt qu’il ne montre. En effet au début du film, un banquier explique à Georges Pierret que l’équilibre financier de l’entreprise ne tient qu’à un fil et qu’en cas de défection de commande, elle sera dans une situation précaire. Bien entendu par la suite il y’a plusieurs défection de commande et Daniel Auteuil devra licencier une partie de son personnel. S’en suit alors un mélange entre bonne et mauvaise idée. La bonne idée du film est de suivre l’implosion de la société de l’intérieur entre les salariés voulant travailler et les travailleurs qui font grèves et qui occupent le bâtiment.


On ressent la tension entre les salariés ou face à Georges Pierret. De plus le fait de créer de la dissension au sein des salariés licenciés est une bonne idée en soit et montre une certaines recherche dans l’écriture des personnages pour éviter d’avoir des protagonistes unidimensionnel. Cependant le film affiche déjà des faiblesses dans son scénario et dans l’écriture de certains personnages. En effet le long métrage commence déjà à s’éparpiller puisqu’on suit en parallèle deux personnages récemment en couple. Le problème c’est que cela ralenti le rythme de l’intrigue, que leurs romances et d’un ennui mortelle, ils ne sont pas attachant et surtout le personnage masculin est d’un cliché absolue à mi chemin entre un détraqué mental et un révolutionnaire.


Un personnage irritant qui n’aura finalement que peu de développement puisque Jacques Maillot certainement conscient de cela, décide tout bonnement de faire disparaître son protagoniste de l’histoire au milieu du long métrage sans raison apparente. Il fera d’ailleurs cela pour tous les salariés de l’entreprise même ceux qui sont développés et qui sont bien plus attachant que le cliché cité ci-dessus. Je pense notamment à la secrétaire au grand cœur Hyacinthe qui est interprété par Carole Franck ou encore Hassan interprété par Moussa Maaskri qui ce bat pour que les salariés obtiennent une indemnité de licenciement importante tout en sachant pertinemment qu’il ne pourra pas obtenir les 50 000€ espérés par ses derniers.


Des personnages qui sont finalement bien écrit et qui compensent d’une certaine manière le personnage interprété par Yann Tregouët. Jacques Maillot tente également de choquer le spectateur avec une scène d’immolation plutôt ridicule qui parvient seulement à arracher un rire jaune de la part du spectateur. Cependant, si la première partie à ses défauts, cela reste globalement correct et c’est finalement dans sa seconde partie que le long métrage de Jacques Maillot coule à pic. En effet, Georges Pierret pense avoir trouvé un investisseur Russe qui peut devenir un actionnaire de son entreprise. En échange il doit lui créer un immense bateau. Notre héros doit donc se rendre en Russie. Ce qui devait servir d’une légère pause pittoresque pour permettre au spectateur de respirer après l’évacuation des grévistes contre les forces de l’ordre devient alors une romance prévisible qui s’étend à environ vingt minutes de film.


Cela crée plusieurs problèmes. Tout d’abords cela réduit davantage le rythme du long métrage car on s’engage sur une histoire parallèle en plein milieu de l’intrigue alors que l’histoire principale n’avance pas en parallèle de ce récit secondaire. Bien entendu afin d’expliquer cette romance, Jacques Maillot avait mis en scène deux flash back dans la première partie de son film ou l’on voit la femme de Georges Pierret avant la divorce. Ce sont là encore des scènes inutiles car elle n’importe aucun élément supplémentaire à l’intrigue. De plus l’une des deux scènes est d’un risible absolue ou l’on voit sa femme nu sans raison et éclairé d’une lumière blanche totalement saturé au niveau des couleurs chaudes pour accentuer davantage la luminosité.


Au final ça pique juste les yeux et on se demande si le réalisateur voulait pas juste mettre une actrice nue dans son long métrage pour relancer l’intérêt du spectateur. Enfin le problème principal c’est le fait qu’il change complètement de sujet. En effet à la base l’histoire c’est le conflit intérieur d’un patron entre la sauvegarde de son entreprise et le licenciement de son personnel pour éviter une fermeture totale. D’un seul coup le film crée un parallèle entre la restructuration de l’entreprise et la restructuration de la vie personnelle de notre héros. L’objectif est louable sauf que le deuxième sujet du film arrive tardivement et évince totalement le premier sujet puisque que l’objectif n’est plus collectif mais personnel.


On ne s’intéresse donc plus au devenir des salariés licenciés et de ceux dont l’emploi est menacé mais seulement du devenir de l’entreprise en tant qu’entité et de la vie sentimentale de Georges Pierret. Cependant ce revirement de situation n’est pas tellement gênant puisque la transition n’est pas catastrophique et on comprend la démarche du réalisateur qui veut créer une certaine corrélation entre la situation de l’entreprise et celle de la vie privée de notre héros.


Cependant, Jacques Maillot s’aborde son long métrage dans les cinq dernières minutes et change encore de sujet. En fait ils voulaient montrer que le monde du travail est un monde capitaliste ou seul l’argent fait lois quitte à détruire la vie des gens. Ainsi le réalisateur abandonne la romance entre Daniel Auteuil et la Russe qui l’a rencontré, il abandonne le devenir de l’entreprise et de ses salariés. Il abandonne tout ce qui l’a construit pour un final d’un ridicule consternant et presque hilarant dans son traitement. Je disais au début que je regrettais le manichéisme de Laurent Cantet dans ses longs métrages.


Cependant Laurent Cantet ne s’intéresse qu’à un sujet bien défini et répond au sujet de son film. De ce fait, le spectateur ne reste pas sur des interrogations à la fin du visionnage. Dans « La mer à boire », Jacques Maillot nous embarque au départ dans la lutte d’un patron pour sauvegarder son entreprise afin de créer une corrélation entre la restructuration de son entreprise et de sa vie privée alors qu’en réalité le réalisateur voulait réalisé un film sur une descente au enfer d’un personnage vaincu par des financiers toujours plus avide d’argent. Sauf qu’à ne créer aucun lien logique entre les différents sujets traité, Jacques Maillot fini par ne traiter aucun sujet ce qui crée un sentiment d’insatisfaction accentué par des défauts de rythme et des personnages pas toujours bien écrit.


On a parlé du fond et bien venons en aux acteurs et à la forme. Les acteurs sont assez homogènes dans leurs interprétations, ils tiennent la route sans être exceptionnel. Daniel Auteuil confirme tout de même qu’il est une valeur sûre du cinéma Français avec une interprétation de qualité sans atteindre les sommets. Le reste des acteurs suivent le mouvement même si on peut regretter une interprétation trop discrète et transparente de Maud Wyler. J’ai également une pensée ému pour Yann Tregouët qui tente vainement d’interprété le personnage de Luis excessivement cliché et qui n’arrive malheureusement pas à ajouter de la nuance pour rendre son personnage un peu pus attachant.


Pour la forme malheureusement je n’ai pas grand-chose à dire. J’aurai pu disserter une page sur la réalisation du dernier Star Wars mais dans le cas de « la mer à boire » c’est simplement quelconques. Rien de transcendant à signaler la réalisation n’est pas mauvaise mais n’apporte aucune plus values notable si ce n’est le plan séquence du début de film ou un plan vers la fin du long métrage ou l’on voit un vigile ramené à l’extérieur Georges Pierret après la délocalisation de son entreprise et qui fait écho à un plan de lesdits plan séquence cité au dessus l’on voit la salle de travail sous un même angle avec un contraste au niveau des couleurs et de l’environnement saisissant preuve peut être encore une fois que le réalisateur voulait avant tout faire un film la descente aux enfers d’un personnage.


Hormis cela rien d’excessivement intéressant à noter même ci les lumières sont assez mal géré à mon goût. Mais « La mer à boire » souffre peut être de la comparaison avec des films que j’ai visionné quelques jours avant qui sont eux excellents dans la gestion de la photographie (« Sicario » de Denis Villeneuve et « These Final Hours » de Zak Hilditch).


Au final si vous voulez visionner un film sur une descente aux enfers dû au monde du travail, préférait davantage « Ressources Humaines » qui s’axe sur un sujet précis qui est la déshumanisation dans le monde du travail avec la recherche à tout prix du profit. Cependant le film inscrit bien dans cela la difficulté du travail à la chaîne et les cadences du travail toujours plus élevés dû à l’instauration de l’organisation scientifique de Taylor au travail. « Ressources Humaines » parle également de la difficulté dès sénior à tenir la cadence et de leurs vulnérabilités dans le maintien de leurs emplois.


Enfin « Ressources Humaines » montre la difficulté de s’élever socialement même quand on a les diplômes requis car on n’a pas le vécu culturelle d’un « fils de ». Tous ses sujets sont traités en même temps et de manière harmonieuse alors que « La mer à boire » ne parvient pas à créer cette harmonie ce qui lui porte préjudice. De plus, le rythme défaillant accentue encore le sentiment de longueur et d’inachevé d’un long métrage qui partait avec des bonnes intentions mais qui finit par devenir bien trop quelconques et longuet voir parfois incohérent pour convaincre.

KS-1695

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