Source : http://shin.over-blog.org/la-nuit-des-morts-vivants-3d.html


La Nuit des morts-vivants de George A. Romero aura décidément fait couler beaucoup d’encres et engendrée tout un tas de resucées plus ou moins inspirées. Cela tient en deux explications très simples. La première, c’est que Romero et son équipe ont réalisé il y a une quarantaine d’année l’un des plus grands films d’horreur de l’histoire du cinéma ; véritable concentré de terreur pure distillée dans une atmosphère terriblement réaliste, avec une formidable satire sociale en toile de fond. Romero marqua surtout à jamais le genre en bouleversant complètement la conception du zombie. Il ne s’agit plus, comme dans White Zombie de Victor Halperin ou Vaudou de Jacques Tourneur, de montrer des cadavres bêtement asservis et quasiment amorphes. Dès lors, les morts-vivants deviennent extrêmement sauvages et activement sanguinaires. Évidemment, l’idée de surfer sur le succès de ce film, réalisé en outre avec des moyens financiers très restreints (et donc assez facile à reproduire, en théorie…), va rapidement germer dans les esprits. Pour le meilleur et pour le pire, comme j’aime à le dire. De Peter Jackson à Sam Raimi (Braindead, Evil Dead), de Bruno Mattei à Jean Rollin (Virus Cannibale, Le Lac des morts-vivants), en passant par les plus contemporains Danny Boyle et le duo Balaguero / Plaza (28 jours plus tard, [REC]), cette représentation moderne du mort-vivant va s’imposer de façon irrémédiable. Deuxième explication, bien plus perverse celle-ci, le film est tombé dans le domaine public suite à une erreur d’enregistrement du copyright lors de sa sortie. J’évoque ce fait plus longuement dans ma chronique du remake de La Nuit des morts-vivants réalisé en 1990 par Tom Savini. De fait, chacun est libre de distribuer le film original comme il l’entend ou d’en faire sa propre version sans risque de représailles juridiques. C’est dans ce contexte bien peu glorieux, que l’indélicat Jeff Broadstreet osa produire et réaliser un remake que personne n’attendait ; surtout après la très belle et malheureusement infructueuse tentative de Tom Savini.


La particularité de ce film, outre son extrême médiocrité (mais j’y reviendrai plus tard), est qu’il a été conçu pour être diffusé en relief. On se croirait presque revenu à ses temps où les troisièmes volets des sagas horrifiques à succès se voyaient développées en 3D ! Ah, ces bons vieux Vendredi 13 chapitre 3 - Meurtres en 3D, Amityville 3D ou encore Les Dents de la mer 3D… Même ce cher Freddy Krueger y a eu droit au début des années 1990 dans son discutable sixième épisode : La fin de Freddy - L'ultime cauchemar. Enfin, soyons honnêtes, cet effet de mode typique des années 1980 avait surtout pour conséquence directe la mise en valeur de la forme au détriment du fond. En effet, s’appuyant principalement sur l’aspect novateur de cette "prouesse technologique", les producteurs se préoccupaient rarement de la qualité des scénarios pour promouvoir leur film. Et si les grosses lunettes bleu et rouge faisaient son petit effet à l’époque, le concept paraît plutôt désuet (n’ayons pas peur des mots : ringard même) aujourd’hui. Surtout que le film ne propose aucune innovation majeure et se contente seulement de reprendre ce procédé d’un autre temps. Enfin, les joies de la distribution étant ce qu’elles sont, je n’ai pas pu voir le film sur grand écran (ni même "profiter" de la 3D) et j’ai dû me contenter du DVD (zone 1, étant donné qu’il ne sort pas avant la fin de l’année en France). Enfin, j’ai cru comprendre que je ne ratais pas grand chose et je veux bien le croire. En même temps, choisir La Nuit des morts-vivants, chef-d’œuvre horrifique qui confine une poignée d’individus dans une baraque étriquée, ce n’est pas très judicieux pour exploiter la perspective… Wouah ! Trop fort le doigt du zombie qui s’approche de l’écran ! Wouahou ! Encore plus mieux la 3D de la mort quand le mec brandit une fourchette en relief ! Wouahouwouah ! Trop d’la boulette quand on a l’impression que le mec te propose de tirer une taf via la télé !


Ah oui, parce que outre cette 3D mal faite et totalement sous-exploitée, il faut que je précise que le scénario a été considérablement malmené. Et si le fait d’être obliger de se coltiner un film aux images floues bleu et rouge passent encore (vu que le relief est finalement très peu présent), on a déjà plus de mal à encaisser les "libertés" prises par Jeff Broadstreet. Ainsi a-t-il rajouté de nouveaux personnages comme cet improbable drogué qui passe son temps à fumer des joints et qui pousse le vice jusqu’à trouver "naze" l’original de Romero alors que la gamine des Cooper préfère aller jouer à DooM (à moins que ce soit une façon peu subtile de montrer l’altération dangereuse de la raison lorsque l’on fume un peu trop la moquette…). D’ailleurs, hormis être le prétexte majeur à de gonflants délires autour de la fumette (et à blagues à deux balles que ça sous-entend), ce personnage ne sert strictement à rien. Il n’est pas le seul à faire les frais de ce délire fumeux puisque le personnage de Harry Cooper est d’ailleurs devenu un stupide bouseux cultivateur de marijuana. Pour sa part, Ben est encore plus à plaindre. En plus d’être devenu blanc (en même temps, la satire sociale est passée à la trappe depuis belle lurette…), c’est surtout devenu un ado blanc complètement décérébré qui roule en mobylette la mèche au vent (ce qui donne lieu à d’invraisemblables courses poursuites ô combien trépidantes !) et deale de l’herbe à ses heures perdues. On aura tout vu ?! Et bien non. En vrac, sachez que désormais les zombies parlent avec une élocution parfaite, que le gore est en option (juste une minable scène, foirée en plus, à la fin), que Ben Laden est cité dans le texte, que les scènes lacrymales sont légion (notamment le pathétique final genre Roméo et Juliette) tout comme l’érotisme indigne des plus mauvais téléfilms diffusés sur M6, que les nanas prennent le temps de tailler le bout de gras dans une chambre alors que leurs amis se font dézinguer au rez-de-chaussée, que nos héros ne prennent même plus la peine de se barricader et qu’ils ont une façon bien à eux d’éloigner les morts-vivants en tirant à bout portant dans les vitres… M’est d’avis que ce sont les scénaristes qui ont un peu trop abusés des substance illicites !


Je vous passe aussi les détails des dialogues insipides typiques d’un film d’horreur médiocre, du retournement de situation risible de la fin, de l’explication merdique concernant l’apparition des zombies, de la conclusion d’une débilité absolue (on se demande vraiment d’où sort cette barre de fer et quel est le but recherché par le film en terminant de la sorte) ou du bullet-time le plus honteux du septième art que ce permet le film. La Nuit des morts-vivants 3D est tout simplement l’idée la plus stupide jamais vue matière de remake, et n’est finalement rien de plus qu’un slasher movie de bas étages pour adolescents attardés. Et si le fait d’utiliser l’original (que les personnages visionnent) dans le film aurait pu susciter en moi un soupçon d’intérêt, j’ai cru m’étouffer en constatant que la phrase culte "They're coming to get you, Barbara" était devenu un ridicule texto ("coming 4 U barb"). Encore heureux que l’actrice principale soit mignonne et que Sid Haig relève un peu le niveau de l’interprétation (il est néanmoins nettement meilleur chez Rob Zombie), mais c’est vraiment trop peu pour un remake aussi consternant que même Uwe Boll n’aurait pas osé…

Shinémathèque
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le 8 nov. 2019

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