De la recherche d'un animal à la quête mystique

Dans un premier temps, La Panthère des neiges se révèle être un véritable film d’aventures dans un paysage naturel splendide. Pendant 90 minutes le documentaire nous propose de suivre le photographe animalier Vincent Munier et l’écrivain-voyageur Sylvain Tesson dans les hauts plateaux du Tibet, à plus de 5000 mètres d’altitude, à la recherche de la fameuse panthère de neiges qui donne son titre au film. C’est à une véritable expédition que nous sommes conviés, sur une terre désertique et pour le moins inhospitalière.
La Panthère des neiges a tous les attributs du film d’aventures : splendeur des paysages, exploit de deux hommes perdus dans une immensité minérale, en quête d’un animal merveilleux. Si La Panthère des neiges se limitait à cela, ce serait déjà un très beau film.


Expérience de l’immensité
Mais le documentaire de Marie Amiguet et Vincent Munier va plus loin. Il s’agit d’une véritable aventure spirituelle. Une expédition où l’homme est remis à sa place d’être fragile au sein d’une nature gigantesque. Les plans nous montrent deux protagonistes minuscules au sein de l’immensité, rendus encore plus infimes par l’éloignement de toute civilisation. Les images splendides nous montrent un monde très minéral, un monde désert balayé par le vent, un monde sauvage, laissé aux meutes de loups attaquant un troupeau. Un monde qui va imposer son rythme aux hommes.
Un monde qui est montré comme l’antithèse du monde moderne à l’occidentale : Vincent Munier avoue que le retour dans le monde des hommes est toujours compliqué tant ces quêtes sont des parenthèses enchantées hors de la civilisation, des rencontres sereines et spirituelles avec la nature vierge. Aller dans les lieux désertiques, les lieux inhabités car inhabitables, est devenu un besoin pour lui, une fuite, une échappatoire loin d’un monde où l’homme détruit la nature. C’est bien la quête d’une relation inverse à la nature qui est montrée ici, un monde où l’homme ne peut pas avoir la prétention d’être “maître” de la nature (et donc de la détruire), mais d’en être un invité frêle, infime, à la merci de l’immensité. Une prise de conscience salutaire de notre petitesse.


Changer de perspective
Sylvain Tesson, quant à lui, est mis face à ses contradictions, lui le voyageur qui avoue ne pas être capable de se poser et qui, là, doit apprendre l’affût, des heures durant, sans bouger, sans parler, à attendre l’hypothétique venue d’un animal, quel qu’il soit. Il avouera :



« J’avais appris que la patience était une vertu suprême, la plus
élégante et la plus oubliée : elle aidait à aimer le monde »



Car Tesson, au fil du documentaire, se définit aussi comme « indifférent à tout », et il va finalement apprendre à porter son attention à tout ce qui se trouve autour de lui. C’est bien à partager une expérience contemplative que nous sommes convoqués ici.


Une quête mystique



« La Panthère, c’est le Graal »



Ce qui se dessine petit à petit, c’est bel et bien une quête mystique dont l’objet serait cette panthère des neiges. La panthère, c’est un animal dont on parle sans cesse sans le voir, dont la présence rôde en permanence, comme une gardienne des lieux, comme un animal totem. Rechercher l’animal dans l’immensité, quêter des journées entières, contempler la nature pendant des heures, tout cela semble ouvrir la porte d’un monde mystérieux, préservé de l’homme, un monde qu’on ne peut atteindre au prix d’un périple quasiment inhumain.



« La bête est une clé. Elle ouvre une porte. Derrière :
l’incommunicable »



La Panthère des neiges, c’est tout cela, une expérience autant esthétique que spirituelle, dans laquelle les images de Marie Amiguet, les photographies de Vincent Munier, les mots de Sylvain Tesson et la musique de Warren Ellis et Nick Cave forment l’alliance parfaite.


[critique à retrouver sur LeMagDuCiné]

Créée

le 24 avr. 2022

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SanFelice

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