Les fleurs du mal

Les pères castrateurs empêchent l'épanouissement par la surinterprétation divine. D'après un piétiste, les fleurs sont démoniaques tandis que les luthériens estiment qu'elles sont les yeux de Dieu. Finalement, les jeunes les considèrent matériellement comme de jolies offrandes, qu'on peut offrir pour honorer les morts ou pour séduire les vivants. Cette chape de plomb chrétienne va angoisser les fils et les filles qui vont se mettre à douter, de leur mode de vie, des miracles, de leur croyance. La femme doit s'occuper de tout à la maison, l'homme contraint de reprendre la ferme des ancêtres, le fiancé doit devenir pasteur pour entretenir la foi familiale, le jeune ne doit pas draguer la fille qu'il aime, les enfants portent le lourd poids des traditions.

Cela aurait pu être un film rempli d'aigreur (à la Bellocchio) ou de désespoir (à la Bresson), mais Gustaf Molander a une forme classique pleine qui arrive à mélanger en une scène plusieurs sentiments contradictoires sans les diluer. La demande de mariage retranscrit bien sa forme. C'est une oscillation entre l'angoisse des enfants et le grotesque des parents. Un ping pong émotionnel de la rancœur des pères ressenti dans le même plan comme oppressante et ridicule. Cette oscillation est encore plus intense quand le pasteur fou est mis en scène. La brebis perdue qui se prend pour Jésus est toujours premier degré, sûr de lui et filmé avec des plans sentencieux, quand arrive le contrechamp de la personne incrédule. Interloquée, on lui parle avec condescendance et mépris. Cette dissonance entre le champ convaincu et le contrechamp incertain crée un comique teinté de honte au vu de l'assurance du malade.

Et alors que tout semble perdu, que tous les hommes ont oublié leur foi, le dernier des croyants se voit récompenser de sa belle naïveté et le cinéaste lui accorde le pouvoir d'un deus ex machina. Le cinéma est le terrain propice des miracles.