LA PASSANTE DU SANS-SOUCI (Jacques Rouffio, FRA, 1982, 110min) :


Quand, dans la nuit du 29 mai 1982, le cœur de Romy Schneider s’arrête de battre, son dernier film, La Passante du Sans-Souci, sorti mi-avril, tient encore le haut de l’affiche. Il aura attiré plus de 2 millions de spectateurs dans les salles pour ce dernier film qui illustre parfaitement sa force de conviction.


C’était une volonté de l’actrice qu’existe cette adaptation cinématographique du roman éponyme de Joseph Kessel publié en 1936. Joseph Kessel plonge le lecteur dans un café de Montmartre à la fin de années folles. Le narrateur fait la connaissance d’Elsa Wiener chanteuse de cabarets qui a fui l’Allemagne nazie en 1933, laissant son mari, déporté dans un camp, mais accompagnée par Max, un enfant juif estropié qui a vu son père se faire assassiner. Romy persuade le célèbre producteur Raymond Danon et choisit Jacques Rouffio comme réalisateur, un cinéaste efficace qui s’est déjà frotté aux thématiques sociales, politiques, engagées, avec L’Horizon (1967), Sept morts sur ordonnance (1976) et Le Sucre (1978). Enfin, elle convainc facilement Michel Piccoli, qui a déjà travaillé à deux reprises avec le metteur en scène, d’être à nouveau son partenaire. Tout le monde accepte face à sa détermination. Jacques Rouffio, associé à son co-scénariste Jacques Kirsner, tranche pour une libre adaptation du roman qui tire son titre du nom d’un bistrot parisien dans lequel les émigrés allemands aimaient se retrouver. Les auteurs inventent une double intrigue et transposent une partie du film en 1981, pour relier les tragédies politiques contemporaines à celles, horrifiques, provoquées par le nazisme.


Ce procédé scénaristique permet de suivre l’évolution de Max adulte, devenu président d’une association de défense des droits de l’Homme et interprété avec justesse par Michel Piccoli. D’entrée de jeu, la fiction débute de manière paradoxale avec l’assassinat de Frédéric Lego, ambassadeur du Paraguay, par Max Baumstein qui se constitue directement prisonnier. Cette arrestation l’oblige à dévoiler à sa femme Lina, les lourds secrets de son enfance en guise d’explication de son crime.


La structure narrative du film s’articule sur de de longs flash-backs qui alternent avec les séquences du présent et le déroulement du procès. La puissance du récit dénonciateur de Kessel et la pertinente adaptation sous cette forme d’un examen de conscience ne trouvent malheureusement pas l’ampleur espérée. La mise en scène est démonstrative, très académique et parfois un peu trop théâtrale et les aller-retours passé-présent nuisent au rythme. Malgré cela, La Passante du Sans-Souci, qui bénéficie d’une déchirante partition musicale signée Georges Delerue, reste une œuvre forte. Tout d’abord par la force intemporelle de son propos résumée ainsi par Jacques Rouffio lors d’un entretien : « Ce qui a existé, existe encore. Le racisme n’est pas éteint. Il faut rester vigilant. Telle est la morale de ce film dont la résonance n’en finit pas, hélas, d’être contemporaine. L’actualité toujours nous rattrape ».


Et puis par l’intensité et l’engagement de son actrice principale, Romy Schneider, qui incarne ici deux rôles, Elsa et Lina, qui font écho à son histoire douloureuse. Tout ce qu’elle était à ce moment, ultime, de sa vie donne au film un caractère particulièrement poignant.

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le 24 août 2019

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