Il n’y a pas pire qu’un nanar ? Si, un film raté. Et celui-là est raté en beauté. Venant d’un réalisateur comme Tim Burton, qui avait plutôt développé une veine auteuriste, le mettant à part dans le milieu hollywoodien, s’atteler à un blockbuster devient une tâche compliquée. Il l’avait déjà expérimenté avec BATMAN, qui lui avait laissé un plutôt mauvais souvenir. Il a malgré tout essayé d’y développer ses thèmes de prédilection, en tirant deux films très bons (surtout le second) .
Plus qu’un remake, il propose ici une relecture du sujet, dans ce projet dont il s’est retrouvé à ne pas maîtriser certains aspects.
Nous allons essayer de voir ça, mais commençons par un petit résumé de l’histoire.


1°) L’histoire
Voulant récupérer une capsule spatiale pilotée par un des chimpanzés dressés pour ça, le capitaine Leo Davidson (Mark Walhberg) se retrouve propulsé dans le futur sur la planète Ashlar. Il découvre une civilisation régie par des singes, où les humains sont des êtres traqués, et où toute forme de technologie est absente.
Au sein de cette société, certains singes ont une vision très rétrograde de l’homme, les jugeant comme des animaux. Le général Thade (Tim Roth) est le leader de ceux-ci.
À l’opposé, il existe des singes tentant de traiter les humains correctement, symbolisés par la guenon Ari (Elena Bonham-Carter).
Leo est fait prisonnier avec d’autres humains. Il s’évade et entraîne avec lui un groupe de personnes, parmi lesquels la très plantureuse Daena (Estella Warren), ainsi qu’Ari et son garde du corps.
Après diverses aventures, ils finissent par rejoindre le sanctuaire sacré de Calima, matrice créatrice de la civilisation simiesque.
Rejoints sur ce sanctuaire par Thade et son armée, mais aussi par tous les humains, il découvre que les ruines sacrées sont en fait son ancien vaisseau spatial qui s’est écrasé sur la planète, et que les singes ayant fondé cette civilisation sont ceux qui vivaient et étaient dressés par l’homme, mettant à mal la théorie du singe race supérieure.
Une capsule atterrit alors qu’une farouche bataille est engagée entre singes et hommes. Il s’agit de celle pilotée par le singe que Léo voulait retrouver. Laissant ce chimpanzé sur la planète, où désormais singes et hommes vont vivre en harmonie, et après avoir emprisonné Thade, Léo repart à bord de la capsule.
Il atterrit en catastrophe sur la Terre. Seulement celle-ci est dirigée par les singes…


2°) Les récurrences burtonniennes
La principale de ces récurrences est son amour immodéré pour les marginaux. Pas étonnant qu’ici encore nous ayons à faire à un de ces déracinés, qui va tenter au mieux de s’intégrer, au pire de vivre en marge. La seule différence, c’est qu’ici le schéma est inversé. Il s’agit de la personne qui nous ressemble le plus (Léo est un humain sans particularité) qui tente de rejoindre une société qui ne nous ressemble pas (enfin, en théorie, nous verrons ça un peu plus loin).
On y aborde également ainsi le thème très voisin de l’acceptation de l’individu dans le groupe.
Sinon, Tim Burton est comme à son habitude très peu à l’aise dans l’action pure (les scènes de batailles sont très moyennes, pour ne pas dire plus, ce qui pêchait déjà dans le premier BATMAN). Idem, dans les scènes du début du film qui sont filmées sans entrain. Dès que la caméra se pose dans des schémas plus familiers pour lui (tournage dans des décors marécageux, ambiance gothique) il est plus dans son élément.
Le style visuel développé tranche radicalement avec le reste de sa filmographie. Et là aussi, on voit son malaise : la SF classique n’est pas sa tasse de thé.


3°) L’opposition évolution/religion
Burton propose une approche thématique, loin de l’hommage au film de Schaffner (qui lui avait d’autres problématiques : le nucléaire, la guerre, le racisme), où deux visions s’opposent : le darwinisme contre le religieux.
Le film aborde ce thème à travers les deux personnages emblématiques que sont Thade et Ari. Et à travers cette opposition est traitée la question du choix de société pour vivre au mieux en harmonie.
La vision darwiniste de la civilisation simiesque est accentuée par le masque de l’actrice Elena Bonham-Carter, une guenon ayant certains traits humains. Sa relation avec Léo est ambiguë tout du long du film (à la fin, ils s’embrassent, accentuant cette sensation de relation zoophile les liant. À ce titre, il apparaît qu’une rumeur au sujet du film pourrait être fondée : une scène d’accouplement entre Ari et Léo a été tournée, mais jugée trop osée par le studio elle a été abandonnée, au détriment de l’accentuation de la liaison entre Léo et Daena (Estella Warren), l’humaine). Les traits humanisés des singes de cette engeance sont évidemment dans cette optique.
À l’opposé, se trouvent des singes refusant d’imaginer que leur civilisation puisse descendre de l’homme allant jusqu’à tuer ceux qui pourraient prouver le contraire. Ils ont bâti une société ressemblant à une Rome antique sylvestre, ayant refusé toute concession à la technologie. Et le tout régi par une croyance en un Dieu unique et fondateur. Ces singes se retrouvent avec des masques aux traits simiesques appuyés.


4°) Alors, on se démarque de l’original ?
Il semblerait que l’idée de départ a été de se démarquer du film de 1968, il fut même envisagé de coller un peu plus au bouquin (d’ailleurs la fin du film s’en rapproche plus que celle de 1968, mais perd énormément en force symbolique).
Mais la tentation de revenir vers des idées du film de Shaffner est grande.
Certes l’explication de l’arrivée au pouvoir des singes est différente entre les deux films (dans la première version, époque oblige, il s’agit d’une explosion nucléaire qui a réduit la majorité de la population à néant).
Charlton Heston , héros du premier, joue ici le père de Thade. Mourant, sa dernière phrase : « Que les hommes soient maudits, qu’ils soient mille fois maudits ! » peut se rapprocher aisément de sa dernière phrase dans le film de Schaffner, où il hurle : « Qu’ils soient tous maudits ! ».
Les scènes de la rivière ont été tournées au bord du Lake Powell, qui a également vu les premières scènes de la version de 1968 se tourner (scènes où le vaisseau est planté dans l’eau).
La fin, a priori création burtonienne, déséquilibre l’ensemble, pose des problèmes de compréhension, et du coup d’intensité dramatique.
Un Tim Burton mineur, comme il en a fait plusieurs depuis SLEEPY HOLLOW (à part peut-être BIG FISH). De toute manière, il était coincé : ou il faisait le film que voulait le studio et perdait ses fans hardcores, ou il faisait ce qu’il sait faire et s’aliénait le studio, d’où ce film bâtard. Ennuyeux même, et sans grande énergie. Un film raté en somme.

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le 2 juil. 2020

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