le 30 mars 2020
Le festin d’en bas : diète
L’apologue, qui consiste à passer par la fiction pour véhiculer un discours moral, trouve toujours sa force dans la capacité à construire une image. Le recours à l’allégorie, la personnification ou...
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Précédé par un buzz tonitruant qui l’a propulsé sur les réseaux sociaux « film du confinement », The Plateform est rapidement devenu LE film Netflix du moment qu’il fallait absolument avoir vu. Généralement un peu dubitatif face à l’engouement populaire quand il s’agit de cinéma, j’avais quelques réticences face à tous ces gazouillis qui hurlaient au génie. Et bien vous savez quoi ? J’avais raison.
Autant vous le dire tout de suite : je vais spoiler comme un porc. Alors cette critique sera réservée à ceux qui l’ont vu ou ceux chez qui l’envie n’habite pas plus que ça (après tout, qui pourra vous en vouloir).
Parlons d’abord du concept du film. Alors déjà il est franchement pas finaud. On dirait le travail d’un gamin de terminale qui vient de découvrir la philosophie et qui se croit génial parce qu'il a réussi l'allégorie la plus facile du monde sur les inégalités sociales. "Bah y'a pas de la nourriture pour tout le monde, alors y'a un genre d'ascenseur, et c'est comme l'ascenseur social tu vois, plus tu descends, plus tu crèves la dalle". Merci Jean-Eude, c'est du génie pur. Même Besson quand il a parodié 2001 de Kubrick avec Lucy avait l'air moins con.
Ensuite, je vais revenir sur L’OCÉAN d'incohérences dans lequel se film se noie.
Je mets de côté le "Pourquoi ils sont là ? Qui a construit ce truc ? Qui sont les mecs en haut ? Y'a quoi dehors ? C'est quoi le but exact de cette mascarade ?". Après tout, l'intrigue a le droit d’avoir ses parts d’ombre et de ne raconter que ce qu'elle veut, ça s'appelle un contrat fictionnel, j'accepte.
En revanche, est-ce que quelque pourrait m’expliquer :
Et je pourrais continuer encore des heures, parce qu'il n'y a absolument RIEN qui fonctionne par la logique dans ce foutoir.
Alors on va me répondre "Naaaaan, mais tu comprends paaaaas ! C'est une allégorie tout ça, ça n'a pas d'importance que ça ne soit pas crédible, ce qui compte c'est le message, c'est ce que ça raconte !"
D'ACCORD, admettons encore ! Tout ça n'a aucun sens, mais puisque c'est qu'une immense allégorie, on n’a qu'à dire qu'on s'en fout, et on va se focaliser sur le déroulement de l'intrigue pour comprendre LE MESSAGE.
Alors y'a un ascenseur alimentaire social, c'est les gens d'en haut qui bouffent tout, les gens d'en bas n'ont que les miettes, et les vrais méchants, c'est LE SYSTÈME. Il faut donc combattre le système et ses injustices pour faire s'effondrer tout ça !
Quelles sont donc les solutions mises en place par Arnaud Tsamère, notre génial protagoniste principal ? "On va faire en sorte que tout le monde puisse avoir de la nourriture, comme ça le système va s'effondrer !" Hein. Quoi. Pardon. A quel moment ce plan a le moindre semblant de logique ? Genre le SYSTÈME est hyper diabolique et il va s'auto-détruire si y'en a pas qui crèvent de faim ? Y'a que moi qui trouve ça débile ou c'est comment ?
Mais bon, j'imagine que ce bon Arnaud sait ce qu'il fait, suivons-le. Ensuite, avec son acolyte couvert de caca, ils rencontrent un ieuv qui leur dit "NOOOOOOON ! Pour tuer le système, il faut... LUI RENVOYER UN PLAT IMPECCABLE". Ok, bon là je crois qu'on a capté que l'allégorie voulait plus rien dire du tout. Genre pour tuer le système pyramidal, faut lui renvoyer ses valeurs marchandes ? Genre les mecs en haut vont dire "MAIS NAAAAAAAAAN ! IL RESTE UNE PANNA COTTA, NOUS AVONS ÉCHOUÉ !!!" et ils vont se remettre en question et lâcher l'affaire. D'accord. Ok. J'imagine que vous avez raison, c'est votre histoire hein.
Donc après ça, Tsamère et son pote recommencent à descendre sur leur ascenseur, et pour sauver les gens de la faim, ils décident de... les tuer. Ah oui là j'avoue c'est radical. Après un bon gros trauma crânien mortel, généralement t'as beaucoup moins faim.
Donc nos héros de la nation verticale descendent, et tuent tous ceux qui ont faim et qui essayent de prendre plus que ce qui leur faudrait, afin de garantir que d'autres puissent survivre. On est plus à un paradoxe débile près, donc continuons !
On arrive en bas, et là y'a un gamin qui était là depuis le début. "ET OUAIS MEC, TU L'AS PAS VU VENIR, EN VRAI Y'A BEL ET BIEN UN GAMIN". Bah si, on l'a tous vu venir, sinon vous nous auriez pas tenu la jambe avec ce détail sans queue ni tête. "Ah. Ouais, certes". Et donc il sert à quoi le gosse ? C'est encore une métaphore cheloue ou bien on a lâché pour de bon le semblant allégorique de l'histoire ? "Ah nan mais t'as rien compris, le gosse c’est… LE MESSAGE" Ah. Ok. Le message de quoi ? "Ah ça on sait pas trop, on a décidé de couper le film à ce moment là pour faire mystérieux"
YES. Bah c'était vraiment très intéressant tout ça.
"Bon allez, ok, le film raconte rien au final, MAIS L’ALLÉGORIE EST VACHEMENT COOL ET ORIGINALE, NON !?"
Euh, non en fait. Y'a Ben Wheatley en 2015 qui fait le même film à l'échelle d'un immeuble entier, ça s'appelle "High-Rise". Alors certes c'est pas un chef-d'oeuvre, mais le bousin avait au moins le mérite d'injecter un peu de cohérence et de logique dans son bazar.
Oh et puis, avant de rafler la Palme d'Or et l'Oscar du meilleur film, y'a Bong Joon-ho qui avait fait un film qui s'appelle "Snowpiercer". Lisons donc le synopsis !
"2031. En propageant dans l'atmosphère un gaz révolutionnaire censé apporter une réponse au réchauffement climatique, les autorités mondiales ont provoqué, dix-sept ans plus tôt, une nouvelle ère glaciaire. Toute forme de vie a été anéantie. Seule une poignée de survivants a trouvé refuge dans le Transperceneige, un train géant fendant la glace pour fabriquer eau et énergie et condamné à faire le tour de la planète sans jamais s'arrêter. Les passagers du train sont isolés par leur classe sociale ; l'élite jouit d'une vie extravagante à l'avant du train tandis que les plus pauvres sont enfermés dans les compartiments sordides de l’arrière et surveillés par des gardes armés. Acculés par un mode de vie précaire qui les affame, une poignée d’entre eux décide de se rebeller."
Ah bah oui, c'est bien ça. C'est le même film, mais avec un contexte crédible, un déroulement cohérent, et une métaphore moins lourde.
Enfin bref, vous l'aurez compris. Qu'il s'agisse de son idée de base fumeuse et repompée, de son déroulement absurde qui ne mène à rien, ou de son allégorie ultra lourdingue qui s'effondre sous son propre poids à mi-parcours, absolument rien ne peut sauver La Plateforme du naufrage.
Hormis quelques millions d'abonnés Netflix qui crient au génie j'imagine.
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Créée
le 22 mai 2020
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