J'ai lu dans plusieurs bouquins consacrés au genre western, que cette version du règlement de comptes d'O.K. Corral était considérée comme la plus belle. Bon je n'irais pas trop contester cette assertion, mais je considère que parmi les autres versions de ce fait réel, celle de John Sturges, Règlement de comptes à O.K. Corral est aussi réussie, au risque de choquer les puristes, et pourtant je suis un grand fan de John Ford.
Il a su faire revivre un Far West turbulent peuplé d'aventuriers, d'entraîneuses et d'Indiens, et a su s'attacher à ses personnages avec tendresse, au contraire de Sturges qui montrait des personnages plus secs et plus rudes. L'avantage qu' a eu John Ford, c'est qu'il avait connu le vrai Wyatt Earp lorsqu'il était accessoiriste au temps du muet, et que celui-ci lui avait raconté en détails cette fameuse fusillade d' O.K. Corral, mais Ford s'est peu soucié d'authenticité en reconstituant l'action de cet instant célèbre, il a opté pour le fait divers légendaire qui a été embelli par les chroniqueurs, un peu comme il le fera dans L'Homme qui tua Liberty Valance, car lorsque la légende dépasse la réalité, c'est la légende qu'il faut publier. En réalité, ce fait d'armes fut beaucoup moins glorieux qu'on ne croit, c'est le cinéma qui l'a rendu mythique ; la mise en scène est peut-être un peu moins tape-à-l'oeil que celle de Sturges lors de cet affrontement.
De la même façon, Ford n'a pas suivi scrupuleusement le destin historique de Doc Holliday qui ici est encore plus marqué par un destin fatal que par l'alcool. Je trouve que c'est dommage, et c'est sans doute pour ça que je ne considère pas ce film comme un de mes préférés de John Ford ; pour moi, d'autres westerns du grand maître viennent devant, plus beaux et plus purs cinématographiquement. Mais il serait idiot de renier ce film qui porte la marque indiscutable de son réalisateur, avec sa simplicité et son absence d'artifices, sa façon de présenter ses personnages, une certaine émotion et la poésie lyrique de certaines scènes (la danse paysanne au son de "My darling Clementine" entre autres).
Techniquement, on reconnait aussi les plans fordiens, la photo au noir & blanc contrasté, la profondeur de champ, les jeux d'ombres... et de plus, on retrouve des acteurs familiers de son univers. Mention spéciale à Victor Mature qui permit à cet acteur souvent méprisé par les critiques pour ses rôles de colosses antiques mal dégrossis, de composer un personnage d'une belle complexité en Doc Holliday tragique et souffreteux.
Un archétype du western classique, dont le seul défaut est d'avoir été affublé d'un titre français stupide et racoleur qui ne lui correspond pas.

Créée

le 12 avr. 2017

Critique lue 869 fois

35 j'aime

20 commentaires

Ugly

Écrit par

Critique lue 869 fois

35
20

D'autres avis sur La Poursuite infernale

La Poursuite infernale
Torpenn
9

Chronique d'une haine ordinaire

Il y a certains jours où il faut savoir regarder la vérité en face. Comme le disait il y a peu ce bon Pruneau, en fait, je n’aime pas John Ford et je n’aime pas les westerns. Ainsi, regardez cette...

le 23 janv. 2013

54 j'aime

26

La Poursuite infernale
SanFelice
10

"Inclinez-vous devant l'autorité légitime !"

Considéré de nos jours comme un classique incontournable du cinéma américain des années 40, La Poursuite Infernale (My Darling Clementine en VO) est cependant un western novateur où le grand John...

le 17 févr. 2019

42 j'aime

9

La Poursuite infernale
Kalian
10

Ford Mustang

Wyatt Earp et ses frères, Doc Holliday, Tombstone, le règlement de compte à O.K Corral. L'un des épisodes les plus connus de la légende de l'ouest mis en scène par l'un des maîtres du western, qui...

le 29 nov. 2010

39 j'aime

7

Du même critique

Il était une fois dans l'Ouest
Ugly
10

Le western opéra

Les premiers westerns de Sergio Leone furent accueillis avec dédain par la critique, qualifiés de "spaghetti" par les Américains, et le pire c'est qu'ils se révélèrent des triomphes commerciaux...

Par

le 6 avr. 2018

121 j'aime

96

Le Bon, la Brute et le Truand
Ugly
10

"Quand on tire, on raconte pas sa vie"

Grand fan de westerns, j'aime autant le western US et le western spaghetti de Sergio Leone surtout, et celui-ci me tient particulièrement à coeur. Dernier opus de la trilogie des "dollars", c'est...

Par

le 10 juin 2016

95 j'aime

59

Gladiator
Ugly
9

La Rome antique ressuscitée avec brio

On croyait le péplum enterré et désuet, voici l'éblouissante preuve du contraire avec un Ridley Scott inspiré qui renouvelle un genre ayant eu de beaux jours à Hollywood dans le passé. Il utilise les...

Par

le 4 déc. 2016

95 j'aime

45