Les assassins décomplexés

A cette époque (années 70 et un peu au delà), le cinéma se mêlait encore de ce qui regarde les citoyens : les diverses magouilles des Etats, mises en oeuvre concrètement par des commis et des chevilles dans l'ombre des chefs et des ténors. André Cayatte a été un des artisans honnêtes de ce cinéma-là, aux côtés entre autres d'un Yves Boisset, d'un Robert Enrico et de quelques autres. La Raison d'Etat parle de l'industrie des armes et de la façon dont un Etat comme la France trouvait, trouve encore le moyen de les vendre à des groupes armés étrangers par l'intermédiaire d'autres Etats (la vente directe étant interdite).. les "pourris" sont représentés à l'écran par Jean Yanne (bien en forme) dans le rôle d'un commis tout puissant et cyniquement dévolu à sa dégueulacerie, entouré de quelques complices, notamment Michel Bouquet.. ses opérations de vente illicites sont découvertes et menacé de révélations, l'histoire montre comment son clan mis en cause réagit, les pressions qu'il exerce, et jusqu'ou aller.. classique trame d'un bras de fer dont le spectateur aguerri peut se demander à l'avantage de qui il va tourner.. Face à cette fiction, qui n'a vieilli que d'un point de vue technique, libre à chacun de déterminer ce qui lui semble relever de l'imaginaire et du réel.. pour ma part, s'il y a des choses qui m'ont semblé sonner faux, c'est dans le jeu de certains comédiens, à certains moments, mais sinon je pense que le film est réaliste à 110% : jusque dans les conversations secretes des protagonistes

on peut remettre en cause la qualité du spectacle, non la véracité humaine de ce qui est dénoncé : c'est un film dur, sombre et cependant jouissif à parler sans fioritures du cynisme et des non-valeurs (les vileurs) qui n'empechent pas un grand nombre de braves gens de dormir sur leurs deux oreilles puisque ce sont ces mêmes industries de mort qui remplissent leur frigo

petite remarque sur le casting en passant, le rôle de Jean Yanne aurait été excellement tenu par Jean-Louis Richard (qui joue le critique collabo dans le Dernier Metro)