« La Reine Margot » est une œuvre outrageusement féroce. Dans le style si particulier et habituel de son réalisateur. Les premières minutes du film, le mariage de Marguerite de Valois et Henri de « Navarre » est une peinture esthétique imposante et impressionnante de méticulosité. Des décors aux costumes, de la voix molle de Daniel Auteuil au regard hautain et mortifère d’Isabelle Adjani, on décèle tout de suite ce marasme fantomatique qui va cloisonner le film dans toute sa splendeur. Patrice Chéreau a mis les plats dans les grands. On sent le tour de force, une émotion trouble à travers cette grandiloquence.

« La Reine Margot » n’est pas un simple film historique, pas une modeste reconstitution documentée du massacre de Saint Barthélémy, mais devient une fresque romanesque habitée. La France, la ville de Paris est en guerre. Les catholiques contre les protestants. La famille royale se désagrège, où les retords des uns et des autres vocifèrent dans les limbes. C’est le cœur d’une œuvre où Patrice Chéreau créera quelque chose de colossale, un long métrage hanté par ses propres tourments qui marche dans la boue et qui parle avec le gout du sang sur le creux des lèvres. La mort s’écoute à chaque son de la voix de la divine Isabelle Adjani.

« La Reine Margot » c’est avant tout, une femme, ses émotions pour le compte de la Mole, des tourments religieux envers la destruction de sa famille, une fureur outrée contre les manipulations, une actrice d’une beauté qui provient des cieux : Isabelle Adjani. Une peau au teint blanchâtre presque blafard, des yeux révoltés et langoureux, une présence qui sublime l’écran de toute son paradoxe : son exubérance dans l’intime. Dans « la Reine Margot », il n’y a pas la place pour les fanfreluches ou les errements oisifs de cette époque comme on le voit souvent dans le genre cinématographique.

Dans son approche visuelle, Chéreau est beaucoup moins mobile avec sa caméra que dans des œuvres comme Intimité ou Ceux qui m’aiment prendront le train ; mais il a toujours cette volonté de mettre ses acteurs au centre de son cadre. La force marginale se trouve ici, dans sa direction d’acteurs irréprochable même si la personnalité narrative de Patrice Chéreau est toujours aussi outrancière et théâtralisée. Jean Hugues Anglade, en Charles IX, est avec son cabotinage aveugle le principal symbole de toute cette symphonie qui pourrait ressembler à un doux opéra baroque.

« La Reine Margot » est un film ambitieux composé d’une noirceur sourde et à travers les vestiges d’une époque et le vertige d’une famille, Patrice Chéreau construit une mosaïque de fantômes qui n’ont de cesse de parcourir les couloirs étroits de beaux appartements, de sols jonchés de cadavres, de ruelles qui sentent le foutre et la dépravation, les forêts remplies de rancœur.
Velvetman
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le 2 nov. 2014

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