La Rivière
7.4
La Rivière

Film de Tsai Ming-Liang (1997)

Au moins, vous aurez appris un mot. En l'occurrence, celui du muscle du cou dont la douleur et son traitement demeurent un mystère dans ce film. Ce muscle est alimenté par le nerf spinal depuis le pont rachidien situé dans le plexus cervical. Bref... Tout cela est mystérieux.
Moins mystérieux encore est l'existence du père qui assouvit ses fantasmes dans des apparitions obscures et fantomatiques.

Il y a quand même quelque chose qui ne tourne pas rond dans ces douleurs de l'existence, physiques et psycho-sociales - l'un ne va d'ailleurs pas sans l'autre, on aura assez vite fait de le remarquer.

Ce qui est encore plus inquiétant, c'est cette eau de la rivière, symbole de l'érotisme, qui se trouve pollué. Cette eau qui déborde dont on ne sait où et qu'on retrouvera avec plus de violence encore dans Visage. Du ciel jusque sous les toits, le temps vire au torrentiel. Cette eau qui rampe et qui passe pour un inconvénient. Il y a quelque chose dans cette eau qui conduit les individus à des difformités du désir et à ne pas les assumer naturellement.
La sexualité s'exécute dans l'ombre de soi, insidieusement, par procuration, devant la télévision avec un vibromasseur quand il ne sert pas à autre chose et puis, parfois, ils ont beau être deux à vouloir, c'est à nouveau être seul, parce qu'on ne fait que baiser pour ne pas avoir à s'écouter. Ce qui me fait penser que les douleurs ont l'air de malédictions littérales : être sous le coup du sort pour des choses mal dites, qu'on se dit mal à soi-même et aux autres.

Et si le père trouve enfin une utilité au travers de la douleur de son fils, c'est pour mieux se fuir lui-même. A aucun moment, il ne passe pour un père et, si on ne me l'avait pas dit, je n'en saurai toujours rien. Son fils se résume à une douleur. Quant à ce qu'est le père pour le fils, c'est à nouveau un mystère tant le rapport est aux abonnés absents.

Dans ces mouvements existentiels, la caméra ausculte les vies, n'hésite pas à s'attarder pour donner de l'authentique. Si toutefois, cette réalisation aide à saisir les chemins de traverse plus que les volontés étriquées, elle temporise et factualise un peu trop à mon goût pour être en phase avec le symbole de l'eau. Elle cherche plus à martyriser et à réduire les êtres qu'elle ne décèle les outrages qui leur sont faits. Si bien que, prenant conscience où allait m'emmener le film et du style de film, j'ai coupé le son. Et je ne regrette pas car
d'avoir coupé m'a montré de manière encore plus flagrante ce prosaïsme vissé, indécrottable. Un No Comment improvisé d'où j'ai pu me décoller pour regarder un livre d'anatomie (ce qui explique l'obscure phrase au début de cette critique).

C'est dommage. Il y avait des choses intéressantes dans ces douleurs...

***

Deux mois sont passés depuis l'écriture de cette critique et, même si je pensais qu'il ne m'en resterait aucune trace, aucune saveur, je dois avouer c'est assez bien fait finalement. Ma mémoire plus que ma raison arrive à le défendre. Tout en sachant que je ne le reverrai jamais.
Andy-Capet
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le 15 janv. 2013

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Andy Capet

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