"Le pont de la rivière Kwaï", "Docteur Jivago", "Lawrence d'Arabie"... Le haut d'affiche de "La route des Indes", film-fresque après un long silence, rappelle avec à-propos que la filmographie de David Lean tient, elle, de la voie royale ! Et encore, est hélas gommée cette ballade irlandaise d'amour tsunami en bord de mer : "La fille de Ryan" (*). Cette superproduction est une perle de plus.
Ce film s'ouvre sur l'arrivée dans l'envoûtante région de Chandrapore d'une vieille dame so british et de sa future belle-fille. En 1924, année qui marque l'apogée colonisatrice des Anglais en Inde et, déjà, les prémices de l'élan historique qui instaurera l'indépendance. Les deux femmes viennent retrouver celui - fils et fiancé - incarnant la main-mise britannique. Il est le puissant juge de Chandrapore.
En les suivant pas à pas, mi-séduites mi-décontenancées par les réalités qui leur sautent aux yeux, la caméra fait habilement cerner les multiples facettes de la situation aberrante liée à la colonisation. Cohabitation contre nature de deux civilisations dont l'une s'est arrogée le droit de dominer l'autre. D'un côté, l'Inde, avec ses rites millénaires, une philosophie de l'invisible et une sensualité ambiante typiquement orientale. De l'autre, la Grande-Bretagne et sa morgue élitiste, caricature de la pensée occidentale d'alors. On le sait désormais : pour les puissances coloniales, "Le moment de vérité" ne s'évite pas.
Pour canaliser l'émotion du spectateur, ce que personnalisent la jeune fille, désirant découvrir l'Inde authentique, et un jeune médecin indien en quête d'amitié au-delà des différences. Le temps de miser sur la notion de compréhension réciproque et le fossé raciste resurgit tragiquement avec accusation grave, procès, coup de théâtre coup d'épée dans l'eau...
Inde...éniablement, les personnages peuvent paraître stéréotypés. Peu importe, en s'adonnant avant tout à la contemplation de l'Inde éternelle magnifiée par la mise en images. Ce "moment de vérité" que ne peut éviter quiconque s'y immerge sincèrement : "Tôt ou tard, l'Inde oblige à faire face à soi-même !". Séquences majestueuses, voluptueuses, comme seul David Lean a su les faire vibrer sur grand écran. Quant à la grande-Bretagne colonisatrice, elle a été confrontée au "moment de vérité" de l'Histoire plus tard, le 15 août 1947...
(*) 50e critique dédiée à Aurea, bonne fée leannienne (et non pas fellinienne !).

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le 16 mars 2016

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