"Ce qui se passe en salle des profs reste en salle des profs..."

Nommé à l'Oscar du Meilleur Film International, ce 4e long-métrage du réalisateur et scénariste allemand İlker Çatak s'empare du traditionnel "film de profs" pour l'amener vers des rivages bien moins conventionnels, et bien plus prenants.

Comme si les codes du thriller venaient s'emparer, lentement mais sûrement, du récit qui se déroule face à nous.


(Quasi) huis clos en milieu scolaire, le film suit la trajectoire de Carla Nowak, jeune enseignante de maths et d'EPS cherchant à réparer une injustice dont elle a été témoin. Et provoquer par la même une onde de choc qui va la dépasser et se répandre comme une traînée de poudre au sein de toute l'école, et finir par la laisser seule face à ses collègues et à ses propres élèves.


Portée par la très talentueuse Leonie Benesch, que la caméra ne quitte presque jamais du regard, composée d'un cadre 4/3 (soulignant un peu plus la sensation d'isolement de notre protagoniste et illustrant cet engrenage qui semble inextricable) et accompagnée de notes de violons répétitives et acérées, cette œuvre à la tension grandissante vient interroger la force et la portée de certains clichés (parmi les élèves comme parmi le corps enseignant lui-même) et les conséquences dévastatrices que peut porter en elle une rumeur, qu'elle soit fondée ou non (et qui sur ce point m'a un peu rappelé le très bon «La Chasse» de Vinterberg), tout en révélant les dysfonctionnements internes d'un établissement "progressiste" ayant appliqué une politique de tolérance zéro, mais refusant de se remettre en question dans ses choix parfois arbitraires et infondés.


Faisant s'entrechoquer les questionnements avec les accusations, l'intégrité avec l'incompréhension voire la colère, la communication semble rompue à tous les niveaux et seule la vérité pourrait mettre un terme à cette situation chaotique. Mais où se situe cette vérité ? Quelque part entre une preuve (prise par une webcam) et une affirmation.


Et à l'image de cette fin en cul-de-sac (et presque un peu frustrante), la situation ne se réglera pas aussi facilement et rapidement que l'on termine un rubik's cube.


Nuancé et ambigu, un thriller pédagogique et psychologique, doté d'une mise en scène au cordeau et d'un récit prenant, et faisant enfin sortir le film en milieu scolaire de la zone de confort dans laquelle il se trouvait depuis de nombreuses années.

Et rien que pour ça, ce film vaut le coup d'être découvert.

Raphoucinévore
8
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le 8 mars 2024

Critique lue 78 fois

6 j'aime

Raphoucinévore

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