Douze ans avant La Dernière Maison sur la Gauche, La Source pose les bases de ce qui sera le genre du Rape and Revenge. C'est bien le film de Wes Craven qui popularisera le genre, si je ne m'abuse, mais il s'avère qu'il s'inspire très largement de l'histoire du film de Bergman.
Je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de scènes de viols qui aient été montrées aussi explicitement avant 1960. Ingmar Bergman filme avec une froideur intense, dans un silence pesant, un acte ignoble qui laisse présager le malaise installé dans Délivrance douze ans plus tard, qui imposera une froideur similaire. Pas étonnant que la scène de La Source ait fait polémique, à son échelle.
La tension est constante, et appuyée par le rythme hypnotique de Bergman, qui prend le temps de poser l'action et capter les regards fébriles, craintifs, menaçants ou attristés. Le sous-texte est suggéré dans les différents regards. Et tandis que certains sont parfois un peu trop expressifs, avec un jeu trop théâtral (Axel Düberg ou parfois Gunnel Lindblom), les autres parviennent à trouver le juste milieu entre intensité et véracité.
Toutefois le film manque un peu de crédibilité par moments, et c'est en partie dû à l'époque, mais pas seulement.
Un personnage meurt d'un coup de gourdin, un autre balancé contre une étagère. Deux actions prétextes pour faire mourir les personnages, mais qui en réalité sont pas vraiment mortelles. Mais au pire, ça n’entache pas tellement la crédibilité film. Cependant, voir les antagonistes se profiler chez les parents de la fille qu'ils viennent de tuer, c'est un douteux manque de méfiance, d'autant plus qu'elle leur avait décrit l'endroit où elle habitait. Alors, prendre le risque de proposer de racheter la robe... C'est trop naïf.
L'omniprésence de la religion permet de placer le film au-delà du simple statut de film choc, en proposant des réflexions sur chaque acte accompli. A travers les regards de plusieurs protagonistes, ce film parle principalement de remords et de repentir (remords de Gunnel Lindblom, restée impuissante et se délectant d'un spectacle morbide, et Max von Sydow, qui a alors violé un Commandement essentiel).
L'apparition d'une source purificatrice est également riche de sens, après de tels événements. Mais c'est surtout l'occasion pour Bergman de laisser une place au mystique, et de nous présenter une divination miséricordieuse, si bien que l'histoire contée ici pourrait véritablement être un passage de la Bible.
S'il possède des défauts souvent dus à son âge, La Source reste un film étonnant pour l'époque où il est sorti, assez dur encore aujourd'hui, bien qu'il ne soit certainement pas là pour choquer.