Dans ce troisième volet, Ito s’affranchit une fois de plus des murs du pénitencier pour bâtir une métaphore de l’emprisonnement encore différente de la précédente. Si dans le deuxième Sasori la liberté revêtait des allures de cadeau empoisonné —une illusion amère, ici la prison semble définitivement sociale.

Mais si l’idée est indiscutablement pertinente, son illustration ne m'a pas autant séduit qu’auparavant.

Pour ma part, ce troisième film accuse une baisse de régime assez conséquente. Non pas que je m’attendais à une surenchère, mais au moins à une certaine constance. Le récit s’éparpille, divague, fait quelques va et viens, ne prend pas la peine de développer situations et personnages de manière satisfaisante (l’histoire du frère là, on en fait quoi concrètement ?), et du coup même le titre ne trouve pas véritablement écho dans notre esprit.

La fameuse tanière de la bête pourrait s’apparenter à la pièce dans laquelle est enfermé le frère de la vendeuse d’allumette. Elle pourrait même faire référence à la cage aux corbeaux ou encore aux égouts, qu’on ne saurait trop quoi en penser. La narration imprécise et distante ne prête pas matière à plus ample interprétation, d’ailleurs.

Au sujet des personnages et de leurs motivations, là aussi on nage dans le vague. On remplace un directeur de prison borgne par un inspecteur manchot dont on nous laisse deviner que le fait que Nami lui ait sectionné le bras constitue la principale raison pour laquelle il la traque, mais sans la rancœur palpable du premier antagoniste. Il marche dans la rue, il réfléchit, il fume des clopes, il réfléchit, il pourrait aussi bien aller se faire cuire un œuf qu’il en sourcillerait pas plus. On se retrouve avec une histoire d’inceste embarrassante et inachevée, une ancienne codétenue en Alice Sapritch japonaise, une histoire de proxénétisme rapiécée, une relation d’amitié sans substance, un mac volage qui se voulait corbeau, et au final beaucoup de bruit pour pas grand chose ; mais surtout, pas grand chose de résolu.

Le rythme aussi accuse une baisse. D’aucuns diront qu’il s’agit de langueur à dessein ; moi je dis qu’on se fait quand même un peu chier, et qu’on a pas grand chose à se mettre sous la dent. Hormis quelques fulgurances, oubliez les climax jouissifs des deux premiers opus. Oubliez aussi les trouvailles visuelles rafraichissantes à foison (à part de furtives séquences bien amenées à l’instar de l’effet négatif de la poursuite du début ou du saccadé du bar à entraineuses). On regrette donc la constante inventivité plastique qui caractérisait le début de la franchise, même si on ne peut nier que le sens du cadrage et de la composition de Ito fasse état d’une maîtrise de plus en plus indéniable.

Au final, le film ressemble à une longue introduction ponctuée de moments où quelques éléments donnent l’illusion de décoller enfin, pour finalement s’étendre de nouveau. Moins plastique, moins concise, moins jouissive, l’histoire se vautre dans un sordide que j’ai ressenti comme gênant ; entre inceste, prostitution, avortement sauvage, molestations même pas drôles (on voit pas de nichons), et autres actes de barbaries à coup de club de golf.

Qu'elles sont loin les considérations et allégories féministes des débuts!

Et je vous épargne les détails d'une incohérence à en avaler un bretzel de travers, à un quart d'heure de la fin, aussi impardonnable qu'éloquente.

Une déconvenue, donc, qui laisse assez craintif quant à la suite de la saga, sachant qu’il s’agit là du dernier réalisé par Shunya Ito, et de l’avant dernier dans lequel Meiko Kaji tient le rôle titre. On verra si il conviendra de chanter en chœur la Mélodie de la Rancune dans le prochain opus.
real_folk_blues

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