La parenthèse enchantée

Un passage, comme un rituel, La traversée est celle de la Méditerranée, entre Marseille et Alger, entre Alger et Marseille, comme un ruban tendu entre les deux rives, les deux pays aux histoires mêlées.

Elisabeth Leuvrey et son équipe regardent, écoutent, enregistrent. Les rencontres sont riches, multiples, toutes intimes, toutes revenant au lien profond qui unie ces hommes et ces femmes, Français d'origine algérienne, Algériens vivant en France, tous plus ou moins entre deux eaux, partagés entre la "terre d'accueil" et le bled.

Exemplaire dans sa démarche et miraculeux dans sa forme, La traversée se nourrit des vies racontées, de 130 ans d'histoire entre l'Algérie et son ancien colonisateur. Pas de rancœur pourtant, des blessures, oui, mais pas de haine ou de volonté d'en découdre. Chacun dit ce qu'il a sur le cœur, évoque les difficultés d'être ainsi entre deux pays, deux continents, deux évolutions.

Il se dégage du film un profond sentiment de plénitude. Le temps de la traversée y est certainement pour beaucoup. C'est un temps suspendu, hors du temps habituel, une parenthèse imposée par la vitesse du bateau mais semblant incroyablement bénéfique à ceux qui se confient, et par voie de conséquence, à ceux qui regardent.

Documentaire humaniste et rigoureux, aussi puissant dans la forme que dans le fond, La traversée s'impose comme un modèle du genre.

Le DVD est accompagné d'un très beau livret revenant en textes et en images sur l'aventure du film. Entretiens divers, regards et questionnements extérieurs viennent enrichir la vision du film.