Purple Butterfly (2003) - 紫蝴蝶 / 127 min.
Réalisateur : Lou Ye - 娄烨
Actrices principales : Zhang Ziyi - 章子怡 ; Toru Nakamura - 仲村 トオル ; Liu Ye - 刘烨 ; Feng Yuanzheng - 冯远征 ; Li Bingbing - 李冰冰.
Mots-clefs : Chine - Espionnage - Ambiance.


Le pitch :
En 1927 en Mandchourie, alors qu'elle vient de raccompagner son amant à la gare, une jeune femme assiste à l'assassinat de son frère, militant anti-japonais. Trois ans plus tard, Shanghai est occupé par les Japonais. Sous le nom de Ding Hui, elle travaille pour Purple Butterly, un groupe de résistants qui projette de tuer Yamamoto, un agent secret japonais. Seulement, son ancien amant est lui aussi à Shanghai, au service de Yamamoto.


Premières impressions :
La première fois que j'ai découvert le cinéma de Lou Ye, j'en suis resté estomaqué. Une chère amie m'avait conseillé de regarder "Une jeunesse chinoise", sans m'en dire plus, et mon cœur s'était arrêté de battre le temps du film. Déstructuré, fouillis, mais si poignant, le film s'attachait à rendre les conséquences des événements du 15 avril 1989 sur la place Tian'anmen, dépeignant la complexité des sentiments humains et comment toute une génération chinoise s'était évaporée dans le quotidien des années qui suivirent. Hypnotique. Quelques mois plus tard, j'enchaînais sur son film le plus connu, Suzhou River (2000), puis je tombais follement amoureux de Gong Li dans Saturday Fiction (2019), un film d'espionnage en noir et blanc. J'ai acheté tous les films du réalisateur chinois dans la foulée...et je les ai laissé traîner dans l'armoire en attendant le bon moment.


Le bon moment, c'était ce soir, après un dimanche en famille. Repas prêt, projecteur. La chaîne Hi-fi nous plonge dans l'ambiance mais les premières scènes m'accrochent mollement. Je note sur mon téléphone : trop de musique, caméra à l'épaule qui remue, monteur qui abuse du fondu enchaîné. Puis arrive la scène de l'assassinat du frère qui rappelle douloureusement une scène iconique du film japonais Jin-Roh (1999). Le cri de l'actrice me glace. Je pose mon téléphone. Je ne suis pas encore complètement dedans mais Lou Ye a l'art et la manière de suspendre le temps et ça, mes sentiments y sont très sensibles. Bientôt le film nous emmène sur les quais de gare de Shanghai, le temps d'un plan séquence exceptionnel qui passe d'une jeune femme venue chercher son amant, à une berline noire qui roule sur le quai d'en face et de ses deux occupants qui en descendent, une femme et un homme. Ils passent sur une passerelle alors qu'un train à vapeur entre en gare. L'amant descend d'un wagon et un agent lui remet une mallette en cuir noir dont il ne veut pas. Et d'un coup c'est la pagaille... Des tirs, des cris, la foule sur les quais qui s'enfuit en tous sens, et la caméra commence à nous perdre dans la masse. Il y a des morts, on ne sait pas vraiment qui est qui mais le film m'a scotché au siège et ne m'en décollera pas pendant deux heures.


Lou Ye déstructure son récit, il y a peu de dialogues mais les regards en disent assez long pour suivre l'intrigue. De toute façon, ce n'est pas elle qui est au centre du cadre. Elle est présente en fond mais ce sont bien les sentiments de la jeune espionne et la confusion d'un monde qui s'apprête à entrer en guerre qui accrochent mon attention. Un vrai film d'atmosphère, entre film Noir et film d'espionnage, un film qui ose parfois perdre son spectateur pour mieux le rattraper un peu plus loin, jouant sur l'ambiguïté des sentiments et des images. Les amoureux de In the mood for Love seront conquis mais le film laissera sur le carreau les habitués des blockbusters calibrés pour le spectateur texan qui a besoin qu'on lui redise trois fois la même chose dans des dialogues qui décrivent les actions... C'est vrai, les films de Lou Ye sont exigeants, pas ennuyeux non, mais ils demandent aux spectateurs de se faire confiance et de ressentir plutôt que d'essayer de tout comprendre. D'autres à l'inverse, certains cinéphiles, le trouveront trop simple dans son intrigue et crieront que la non linéarité de certaines scènes n'est là que pour complexifier artificiellement un scénario un peu chiche. C'est peut-être un peu vrai mais dans le fond, une bonne histoire, c'est d'abord une histoire qui est racontée de façon à nous faire ressentir des choses et c'est bien là où Lou Ye est un maître. En tout cas, moi j'y ai cru à son histoire et mon cœur a fait des bonds. Bref, j'ai oublié que je regardais un film et ça, c'est devenu vachement rare.

GwenaelGermain
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le 14 févr. 2022

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