Un chef-d'oeuvre, Une poésie, Un Benigni !

Roberto Benigni réalise l’exploit de nous faire rire aux éclats et de nous laisser les larmes aux yeux dans un unique et même film. C’est l’une des raisons qui me poussent à le considérer comme étant un chef-d’œuvre cinématographique. Ses nombreuses nominations et récompenses, comme par exemple le César du meilleur film étranger ou encore le Grand Prix du Festival de Cannes ne font que prouver le talent et le génie du réalisateur.
Or ce film est également une véritable leçon de vie qui enseigne les vertus de l’optimisme et du courage. Mêlant l’humour à l’innocence, il accentue une certaine forme de conte, que le réalisateur revendique entièrement. Dès le début, la folie poétique et créative des personnages, et surtout celle de Guido, joué par Benigni lui-même, séduit irrésistiblement. Nous retrouvons donc une mise en scène de la romance et de l’enfance durant toute la première partie du film au cours duquel on assiste à un terrible basculement entre une comédie romantique et une comédie dramatique.
Ainsi, ce terrible passage coupe le film en deux phases : l’une heureuse, l’autre tragique. La première se compose d’un enchaînement de petites scènes qu’on pourrait presque croire inutiles si ce n’est leur importance dans la seconde.
Par la suite, la deuxième partie raconte leur vie au camp et par conséquent les nombreuses péripéties auxquels les personnages doivent faire face.
Certes le film révèle quelques inexactitudes historiques, où des traits de l’Histoire se retrouvent stylisés, comme par exemple le fait que les Américains délivrent les déportés alors qu’en réalité ce sont les Russes. De plus l’histoire individuelle de la famille Orefice est assez exceptionnelle pour ne pas dire invraisemblable, car les volontaires pour le camp, aussi rares soient-ils, n’étaient pas acceptés et il est presque impossible qu’un enfant échappe à la surveillance des officiers nazis pendant si longtemps. Cependant son rôle n’est pas de se voir attribué le titre de documentaire mais bel et bien de comédie dramatique ! C’est pourquoi d’emblée, la voix off définit dans quel contexte, l’histoire va se dérouler et surtout sous quelle forme : « Cette histoire est simple, pourtant elle n’est pas facile à raconter, comme dans un conte il y a de la tristesse, et comme dans un conte elle est pleine de merveilles et de bonheur. ». De plus, Keats disait : « Ce n’est pas ce qui est vrai qui est beau, c’est ce qui est beau qui est vrai. ». Par conséquent, les artistes trahissent forcément la réalité, parce qu’ils doivent choisir un style, trier la réalité, éliminer des choses, suivre une narration et c’est justement ça qui fait le talent d’un réalisateur.
Ainsi ce film réussit à dépasser ce contexte historique pour montrer l’horreur vécue par les déportés dans ces camps de la mort, mais d’une manière assez inattendue et différente : l’humour. L’expression de « négationnisme » attribuée parfois au film est d’autant plus erronée que si Benigni utilise l’humour, il ne nie à aucun moment toute l’horreur de la Shoah et en montre même les pires abjections (la douche, l’amas de vêtements abandonnés, et cette fumée noire, cruelle réminiscence de l’horrible et impensable réalité). C’est grâce à son talent de cinéaste et à la délicatesse surprenante avec laquelle il a su raconter cette histoire qui a pour toile de fond l’une des plus tragiques périodes que l’Humanité ait connu, que ce film a pu être relaté de la sorte. Il ne faut pas confondre « utiliser le rire pour raconter quelque chose » et « rire de quelque chose », au contraire, utiliser l’humour est une autre approche qui nous permet ainsi de mieux nous identifier à ces personnes et donc de mieux se rendre compte du calvaire qu’ils ont dû endurer. En effet, Germaine Tillion, une ancienne résistante française, nous prouve que rire ne veut pas forcément dire « ridiculiser », en expliquant que dans ces camps de concentration, les femmes, pour conserver leur attachement à la vie, prenaient plaisir à rire de toutes les situations qu’elles étaient amenées à rencontrer dans cet univers malsain.
Roberto Benigni a dit : « J’ai pensé à Trotski et à tout ce qu’il a enduré : enfermé dans un bunker à Mexico, il attendait les tueurs à gages de Staline, et pourtant, en regardant sa femme dans le jardin, il écrivait que, malgré tout, la vie est belle et digne d’être vécue. Le titre est venu de là. ». C’est souvent ceux qui n’ont vécu aucun grand malheur qui sont outrés de cet humour qui peut survenir à tout moment et même lors de telles tragédies. Mais comme disait Edgar Poe : « Si, parvenu au bord du précipice, on ne regarde pas, l’horreur est incommensurable. Si on la montre, elle devient telle qu’on la montre. ». Ainsi le rire permet d’extérioriser ses sentiments pour ne pas se laisser submerger par l’horreur.
De plus, Benigni ne nie pas la souffrance et l’horreur des camps. En effet, on se rappelle tous de cette terrible scène dans laquelle la musique, présente jusque-là, cesse brutalement, et est remplacée par le bruit d’un vent cinglant et terrifiant. Guido, son fils dans les bras, se retrouve au milieu d’un brouillard aveuglant puis face à cette brutale image de corps entassés, comme sortie d’un cauchemar. Cela rappelle donc que ce « jeu » n’est là que pour dissimuler l’horreur et la souffrance aux yeux de son enfant. De ce fait, il ne masque en aucun cas le malheur de ce génocide.
Pour toutes ces diverses raisons, « La vie est belle » est un film bouleversant qui mêle comédie et tragédie comme jamais ! Au-delà de la prise de risque évidente de Roberto Benigni, on ne peut qu’admettre toute l’étendue de son talent incontestable !

Désolée pour le pavé, ce n'était pas intentionnelle ! Pour faire court : A VOIR OU REVOIR ABSOLUMENT !
LesPtitsArts
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le 28 févr. 2013

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