Critique rédigée en septembre 2019


Samia (Zita Hanrot) arrive fraîchement de province en tant que CPE d'un collège à Seine-Saint-Denis. Réputé pour sa communauté d'élèves fortement dissipée et aux enseignants à l'autorité caduque, il sera le théâtre d'une année scolaire grave et cocasse dont Samia sera la principale actrice.
Effectivement, la petite trentenaire s'est engagée à dresser un collège de molosses en puissance, rebelles, insolents et drôles à la fois avec un objectif bien précis en tête:


Sauver sa vie de couple.


Sa vivacité d'esprit lui permettra-t-elle d'être le porte-parole idéal de Yanis, son petit protégé intelligent mais influencé par le mauvais comportement de ses camarades, et d'arriver à son objectif primaire en même temps ?


Mardi 3 septembre 2019, ce jour marque la fin des vacances d'été pour la plupart des élèves en enseignement primaire. Les enseignants, les élèves et les simples spectateurs comme moi vont vu cette Vie scolaire chacun à sa façon, entre ceux qui ont découvert leur classe avec laquelle ils passeront une année de leur vie, et ceux qui ont eu l'opportunité de découvrir le nouveau bébé filmique de Grand Corps Malade et son collègue cinéaste Mehdi Idir.
Originellement célèbre pour ses chansons de style "slam", souvent étudiées au sein des cours de français ou de musique, Fabien Marsaud se fraie définitivement une place au sein des quelques espoirs d'un cinéma français semblant se perdre peu à peu dans une flopée de comédies balourdes, privilégiant les avalanches de gags au traitement scénaristique.


Après le succès de Patients (2017), premier métrage passionnant consacré à l'événement ayant marqué sa vie à jamais, celui qu'on surnomme régulièrement Grand Corps s'intéresse à la scolarité jugée difficile des élèves en banlieue française. Un sujet semblant assez incertain, voire lourd au premier abord... Pour un résultat ayant rapidement dissipé mes réserves tant le début du film nous donne de l'entrain à pénétrer dans une zone que seuls les grands cinéastes comme Matthieu Kassovitz ou Laurent Cantet ont su traiter de manière juste !
La Vie scolaire est une peinture sociale réjouissante oscillant entre rire et émotion, tendresse et insolence.
Sur une trame classique, le film nous propose un regard à la fois critique, drôle et nostalgique de l'éducation nationale sous le yeux de la talentueuse Zita Hanrot, sous les traits d'une conseillère principale d'éducation de sang chaud dont le traitement de la personnalité est à la fois étendu et attachant.
Chaotique, la classe de 3ème dont nous affrontons les mauvaises plaisanteries tout au long du film est l'archétype du champ de bataille opposant élève et professeur. Avec une mise en scène aussi virtuose que celle de l'émouvant Entre les murs (2008), dont le réalisme des situations le rendait quasi-documentaire, La Vie scolaire parvient à se démarquer comme étant un film beaucoup plus "cinématographique" que le précédent tant la mise en image et la bande originale arrivent à donner une dimension artistique au monde de l'éducation. Assister à une vraie mise en scène pour un film sur le milieu scolaire, c'est suffisamment rare pour que je le surligne !


Pourtant, au-delà de son aspect très cinématographique, le film n'en demeure pas moins criant de vérité. Celle-ci se manifeste fortement dans son humour, ravageur, goguenard et jamais poussif narguant principalement l'image que renvoie les élèves de banlieue au niveau culturel, ainsi que l'abus de certains professeurs et assistants / surveillants scolaires prenant un malin plaisir à punir et humilier les élèves pour le moindre faux-pas.


La première séquence dans la salle de musique représenterait à elle-seule la perdition de ces élèves face à la culture ; lorsque ceux-ci esquintent gentiment la mélodie de L'Eau vive, un mur orné d'une cinquantaine de pochettes musicales est dressé derrière eux et semble les égarer ! Pourtant, c'est peu après que l'un des élèves se découvrira un don et un savoir considérable pour la musique, attirant ainsi l'attention de notre héroïne.
Secondement, ce sont les séquences montrant Dylan (Alban Ivanov) entre autres, lister les pires punitions qu'il ait pu donner, qui blâment fortement mais non sans humour l'absurdité dont font preuve les enseignants à l'égard de leurs élèves.


Contrairement aux préjugés, le manichéisme cède sa place à la nostalgie, la plupart des séquences de classe m'ayant réévoqué le (dé)plaisir de découvrir en compagnie d'une communauté humaine au cours de mes années en classes supérieures.


Les plus pointilleux d'entre nous remarqueront une légère surdose de "pathos" scénaristiquement, ce qui à défaut de m'avoir dérangé, me rappelle hélas que le contexte du film s'oublie peu à peu au fil du film.


Effectivement, il est regrettable que l'émotion ne dégage que d'éléments externes à la vie scolaire, alors que le scénario avait tellement à faire en se concentrant sur les capacités des élèves à obtenir le brevet. Je noterais aussi une dernière séquence assez peu probable et concluant le film beaucoup trop rapidement.


En bref, La Vie scolaire conclut très convenablement mon été 2019 au cinéma. Une petite tournée rafraîchissante, divertissante et accessible dans un milieu social que Mehdi Idir et Grand Corps Malade ont su traiter à peau neuve, ce dernier faisant ainsi une bienvenue abstinence de son art habituel sans pour autant trahir son identité. Moins agressif que La Haine, plus subtil que Les Profs (même s'il était facile), la jolie surprise française de l'année ? Probablement !


16 septembre 2019: la vie scolaire revient à moi...

Créée

le 18 déc. 2020

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