La forteresse imprenable ?

Comédie romantique douce-amère joliment troussée et jouée par ses deux personnages principaux sur le ton du drame, ce premier film de Jean-Pierre Blanc vous permet de passer un agréable moment, passée la mise en place de l'intrigue et la présentation des personnages. Certes, le scénario tient sur un mouchoir, mais ce film tient la route grâce à la mise en scène du réalisateur, qui met intelligemment en image les travers caricaturaux des français moyens en vacances avec beaucoup de dérision et sens du détail qui fait mouche dans la vie quotidienne d'un hôtel de vacances. Surtout dans la description de la galerie de personnages secondaires qui valent des scènes cocasses:
- les deux vacancières prêtent à "griller" au soleil...
- le couple incarné par Michael Lonsdale (le théologien) et Edith Scob (excellente en douce folle illuminée)...
- le personnel de l'hôtel dont Marthe Keller (Vicka), femme de chambre en proie à de surprenants lapsus valant des quiproquos bien embarassant et Catherine Samie, assistante réceptionniste pas très fûtée jouant vulgairement de ses charmes, etc...
Bien sûr au milieu de tout cette galerie de personnages touchants, il y a le couple vedette qui cristallise toute l'attention du spectateur. "La vieille fille" c'est Annie Girardot (Muriel Bouchon), qui livre une prestation époustouflante, jouant habilement du contraste entre sa superbe plastique et les blocages de son personnage. En proie à une timidité maladive, elle contrôle toutes ses émotions et se réfugie dans des rituels quotidiens bien réglés, se satisfaisant en apparence de son statut de femme qui assume sa solitude. Pourtant, le personnage de Philippe Noiret (Gabriel Marcassus) bouleverse cette apparente quiétude. Après que les circonstances les rassembles de force (la scène du premier repas), le fait que Noiret soit dans l'obligation de rester à l'hôtel dans l'attente de la réparation de sa voiture, lui va s'obstiner à lier contact avec cette forteresse imprenable qu'est Annie Girardot. Peu à peu, au fil des jours, des liens de plus en plus fort vont se tisser, et c'est là l'intérêt le plus important du film: voir comment Annie Girardot va faire face à ses émotions et à l'éclosion de sentiments dont elle se défend. Toutefois, Philippe Noiret, sous sa bonhomie et fantaisie apparente, cache également une pudeur timide mais au moins il est ouvert aux autres.
Une jolie partition sur la rencontre de deux âmes solitaires. A voir et revoir comme un vin qui se bonifie avec le temps.