N'ayant pas lu le roman dont est adapté "La voleuse de livres" et ne connaissant pas le synopsis de manière précise, c'est sans à priori que je suis allée voir ce film. Première surprise : Brian Percival nous place face à la Seconde Guerre Mondiale de manière inhabituelle puisque nous nous retrouvons du côté allemand, ce qui est assez rare pour être noté. Il dépeint une Allemagne divisée, ou les gens sont perdus et peinent à penser par eux-mêmes : entre endoctrinement et résistance, l'intrigue humaine et émotionnelle prend forme au cœur même du berceau du Nazisme.

C'est à travers les yeux innocents de Liesel, petite orpheline communiste recueillie par un couple d'allemands, que l'on vit l'histoire. L'histoire de la rue "Paradis" qui regroupe des adultes qui tentent de continuer à vivre le plus normalement possible malgré le contexte perturbant, et d'enfants qui ne réalisent pas vraiment ce qui se passe autour d'eux. Au milieu de ce tableau débarque un jour Max, un jeune homme juif qui a besoin d'être protégé. Rosa et Hans, les parents adoptifs de Liesel, le recueillent et s'occupent de lui des années durant. L'aspect le plus intéressant du traitement narratif se situe dans les liens qui se tissent entre les personnages : il s'agit d'un film humain, où l'attention est concentrée sur l'évolution d'une petite fille qui ne peut compter sur la pérennité d'aucune relation car autour d'elle, tout le monde s'en va, disparaît ou meurt. Néanmoins, Liesel avance, continue, grandit. C'est avec émotion qu'on l'observe s'attacher aux personnes qui croisent sa route, et qui contribuent à façonner sa personnalité. Les jeux d'acteurs de Sophie Nélisse (Liesel), Geoffrey Rush (Hans), Emily Watson (Rosa) et Ben Schnetzer (Max) sont empreints d'un réalisme de haut niveau, on ne peut qu'y croire. Je regrette néanmoins que la psychologie des personnages n'ait pas été plus fouillée mais il me semble que le propos du film n'est pas réellement dans la personnalité des gens dont il parle, mais plutôt dans leur union face à un monde qui s'écroule.

Autre élément essentiel : la littérature, évidemment. Liesel est illettrée lorsqu'elle arrive chez Rosa et Hans, et avec elle, on apprend à déchiffrer, puis à lire, et enfin à écrire. On vibre avec elle devant l'étendue des possibilités qui s'ouvrent à nous lorsqu'on sait lire : on peut s'instruire, s'évader, rêver. L'autodafé qui a lieu sur la place publique a des allures de crime ultime si on l'observe par les yeux de Liesel. La littérature est dépeinte comme quelque chose d'à la fois convoité et accessible et qui possède un pouvoir illimité, dont celui de sauver des vies. C'est plaisant de s'en souvenir.

En parallèle, le contexte historique est posé sans être insistant. On remarque bien le manque de nourriture, les uniformes nazis portés par les enfants, les bombardements, le côté anxiogène de leur quotidien... Mais c'est une toile de fond qui ne prend pas le pas sur le propos principal du film, qui est de mettre en avant le pouvoir des mots, ainsi que l'amitié, la générosité et les actions désintéressées.

Je termine par un point négatif qui m'a dérangée tout au long de la projection : en version originale, les acteurs parlent en anglais (avec un accent allemand à couper au couteau, et des expressions allemandes distillées ça et là, selon l'humeur). Pourquoi ?! M'est d'avis qu'en Allemagne au temps d'Hitler, en pleine suprématie nazie (même les chorales dans les écoles étaient composées de chants stigmatisant les juifs et les communistes), on parlait exclusivement allemand. Les dialogues anglais desservent l'ambiance générale du film, c'est dommage.
Melody_B
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le 6 févr. 2014

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Melody_B

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