Encore un film pour nous parler de l'horreur de la seconde guerre mondiale ? Peut-être, mais il réussit pourtant à viser juste, en se permettant quelques fulgurances stylistiques. Même si l'insolence du réalisateur peut paraitre assez éreintante (ou pas), on le voit dès le générique de début, où il se permet de nous mettre un écran noir de plusieurs minutes, avec certes une musique assez folle, composée par Mica Levi, qui arrive à bien retranscrire le brouhaha horrifique de la situation (d'autant plus avec la musique du générique de fin d'ailleurs).

Le principe du film est de démontrer l'horreur par la banalité, et même si la subtilité se repère assez facilement, avec ces cris lointains ponctuels, la manière de montrer cela est plutôt intelligente. Les discussions banales, où l'on discute de ses petits problèmes, pose un parallèle assez malvenu compte tenu de ce qu'il se passe de l'autre côté du mur. Ou bien la fameuse scène où la grand-mère parle de la potentielle présence de son ancienne voisine juive, avec nonchalance, et le fait qu'elle n'a pas pu récupérer ses très beaux rideaux.

La fin est assez intelligente dans la manière de mettre en avant son personnage principal.

Notamment quand il regarde toute la salle où se déroule la soirée mondaine, et se questionne sur la faisabilité de gazer tout le monde, de manière purement pragmatique, et remarque qu'il ne faisait pas attention aux gens auparavant. Avec ensuite la scène du trou dans la porte, qui nous fait finalement voyager dans le temps, dans un monde où l'on nettoie soigneusement les camps de travail et d'extermination.

Je n'étais pas au courant que le personnage de Rudolf Höss existait réellement, et cela me donne envie d'approfondir ce sujet.

Bref, je suis fasciné par ce film, qui tient compte d'une période que nous connaissons tous, mais dont il est toujours difficile de la justifier rationnellement. Le film joue sur nos sens, avec le son et ses cris, et l'image et ses reflets de flammes. Les quelques moments plutôt positifs seront accompagnés d'un filtre en négatif. J'avais parfois envie de trouver la démarche faussement subtile, mais je trouve qu'elle fonctionne plutôt bien, et qu'il y a un bon équilibre entre les scènes dites de banalité, et celles qui virent dans le fantastique.

Le film tente de conter la banalité de la considération de ce génocide durant son exécution, mais aussi, d'une certaine manière, de comprendre ces personnages et leur point de vue, en réussissant un périlleux juste milieu, en n'essayant pas de les rendre monstrueux, ni en attisant notre pitié.

(Vu le 1 février 2024 en VOSTFR au cinéma)

Tiflorg
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le 6 févr. 2024

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