Les premières longues secondes, sans images, nous confrontent à des sons confus, des cris étouffés, faisant appel à nos sens pour saisir l'horreur de la seconde guerre mondiale. Sans transition, la caméra présente une scène bucolique montrant la famille Höss au bord d'un ruisseau, dans la lumière crue du jour. Il y aura toujours ce contrepoint, cette cohabitation malaisante entre le bruit sourd du camp de concentration et la vie familiale des Höss, menée à la baguette par la mère.


Pauvre en action, le film s'attache plutôt à montrer la routine de l'entretien de la maison, également le lieu où se tiennent les réunions sur l'administration du camp de concentration d’Auschwitz.

Il se dégage du film un sentiment d'inconfort, de malaise, alors que nous sommes témoins de la cohabitation totalement insupportable entre l'horreur du camp et la vie campagnarde que mène la famille. A l'image des bruits et des couleurs qui rythment les nuits des enfants, quand l'usine du camp fonctionne ou encore lorsque la rivière charrie la poussière des morts, donnant à la baignade familiale un goût de mort.


Les acteurs sont convaincants: Sandra Hüller est cette maîtresse de maison glaciale, égoïste, vaine. Quant au mari, il est un général nazi vide moralement, incapable de vomir quoi que ce soit. L'histoire en fond sur le transfert du général arrive d'ailleurs sans grande valeur ajoutée. Néanmoins, il est à souligner que le film détonne moins par son scénario que la technique, qui permet un éveil des sens. L'intérieur du camp n'est montré que par un procédé bien particulier, un noir et blanc en mode film d'animation. Un élément de distanciation ou bien un signe d'humilié à ne pas pouvoir retranscrire la vie sous Auschwitz? D'ailleurs, la vie du camp n'est montrée qu'à la fin, sous une forme bien spécifique, invitant à la réflexion et au devoir de mémoire.


Un film techniquement très fort, qui nous fait nous sentir mal pendant toute sa durée et nous donne une claque quant à l'inertie d'action politique qui n'est pas étrangère à la société contemporaine.

Nuwanda_dps
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le 17 mars 2024

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Emilie Rosier

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