Il est devenu monnaie courante de voir débarquer sur les écrans les premières réalisations d’acteurs ou d’actrices. Les Adoptés de Mélanie Laurent, M. de Sarah Forrestier, Lost River de Ryan Gosling, Falling de Viggo Mortensen – qui sera à l’affiche à la réouverture des salles –, les exemples sont innombrables.


Pour ma part, je classe ces premiers films d’acteurs/actrices en deux catégories : ceux pour lesquels le metteur en scène abandonne l’acting pour se concentrer sur la réalisation ; et ceux, plus nombreux me semble-t-il, pour lesquels il cumule les mandats en s’affichant devant et derrière la caméra.
Land fait partie de cette seconde catégorie : le long métrage est réalisé par Robin Wright, qui est par ailleurs complètement seule à l’écran une bonne partie du film.


Pour cette seconde catégorie, il existe un risque que l’acteur-réalisateur n’arrive pas à prendre suffisamment de recul sur son jeu et que la mise-en-scène en pâtisse. Un exemple de cela m’a particulièrement sauté aux yeux dans Land. Il s’agit d’une séquence de discussion entre Edee (Robin Wright) et son ami le chasseur incarné par Demián Bichir, vers le milieu du film. Tous deux sont tranquillement adossés au pied d’un arbre dans la forêt ; Edee raconte une anecdote sur sa vie passée, puis c’est au tour de Demián Bichir de répondre par une longue tirade. Notre œil de spectateur est automatiquement attiré sur lui, mais la mise au point reste focus sur Edee au second plan, qui l’écoute sagement. Pendant plusieurs dizaines de secondes, notre attention se porte sur le bonhomme qui reste flou au premier plan…


Land raconte l’histoire d’une femme qui, du jour au lendemain, plaque sa vie citadine pour aller vivre en ermite dans les Rocheuses, loin de la civilisation.
Tout le monde fait le parallèle évident avec Into the Wild, mais je préfère pour ma part le comparer au film Wild, sorti en 2015 et réalisé par Jean-Marc Vallée, qui retrace l’histoire d’une jeune femme incarnée par Reese Witherspoon qui parcours seule 1700 km en Amérique du Nord pour se reconstruire.


Je compte deux parties inégales dans Land.
La première s’oriente autour du Survival classique et m’a plutôt déçu. Edee jette son portable, vend sa voiture, et se retrouve seule et sans filets au milieu de cette majestueuse nature. Le passage du « tout va bien » au « tout va mal » est à mon sens mal amené car trop brusque, et cette première partie déroule les clichés : le potager saccagé, le grizzly qui vient éventrer les provisions, l’hiver et son froid mordant, l’impréparation menant à l’envie de suicide… Le film s’enlise dans un besoin superflu d’expliquer le passé d’Edee au travers de flashbacks aux images blanchâtres légèrement surexposées (un tel procédé devrait être un interdit du cinéma).
Après une demi-heure de film, la déception est grande car Land ne semble pas réussir à dépasser son sujet d’Into the Wild au rabais.


Pourtant, la seconde partie donne au film un nouveau souffle salvateur. Edee est sauvée in extremis par un chasseur passant dans le coin, et une longue amitié va se former entre eux. Land prend alors une autre tournure : au besoin de solitude se substitue progressivement la reconstruction de relations sociales. C’est là selon moi que réside tout l’intérêt du film.


Evidemment, impossible de ne pas aborder les magnifiques paysages immaculés américains. Le film a été tourné dans un parc naturel en Alberta, au Canada, et Robin Wright semble amoureuse de cette nature qu’elle filme à la perfection. Une rivière fougueuse, des sommets enneigés, de larges forêts de pins : Land nous fait voyager et prendre un grand bol d’air frais (chose dont on a bien besoin en ce moment !).


Concluons en disant que Land est un film américain indé très classique – un film "très Sundance" (et juste après avoir écrit cela, je viens de vérifier et de voir que le film avait été sélectionné à l’édition 2021 du festival) – sur le besoin de prendre de la distance et de se mettre au vert, sur la résilience et la difficile reconstruction qui fait suite à un drame familial.

D-Styx
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le 13 mai 2021

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D. Styx

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