Le Bal par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Voici l'histoire d'une salle de bal d'un quartier de Paris qui traverse et résiste aux différentes époques avec leurs modes, leurs problèmes et leurs drames. Ainsi voyageons-nous à travers le "Front Poulaire" et la java, "la dernière guerre mondiale" durant laquelle la salle se vide de ses danseurs et devient un abri, "l'Occupation" allemande*" avec l'arrivée d'une certaine clientèle passagère peu appréciée des habitués, "la libération" et ses règlements de comptes, "l'influence américaine" et le "rock and roll", "la guerre d'Algérie" et ses malheur puis "Mai soixante-huit" source d'émancipation. Ce petit bal avec ses personnages bien typiques va ainsi passer de la joie à la tragédie avant de ressusciter à nouveau dans le bonheur et l'insouciance. A toutes les époques, chacun vient dans ce lieu afin de rencontrer l'âme sœur, mais au bout du compte, les évènements de la vie en décident souvent autrement. Le petit bal aura parfois été un lieu de conflits mais aussi de fraternité et d'espoirs fugitifs comme le rappelle la chanson finale de cette saga : "Que reste-t-il de nos amours ?"


C'est un film d'une originalité rare qu' Ettore Scola nous offre . Sa construction est astucieuse puisque l'histoire débute en 1983 où des personnes de toutes conditions arrivent dans cet établissement désert après que le vieux barman, qui a dû traverser toutes les époques, a allumé les spots un à un. Pas un mot, il n'y en aura aucun dans ce film, chacun s'observe et enfin, les couples se forment. Certains rongent leur frein, le succès pour eux n'est pas au rendez-vous. Après cette observation très détaillée des personnages, Ettore Scola va se servir d'eux pour nous dresser un tableau émouvant et réaliste de cinquante ans de notre histoire. Par différentes phases, il nous relate l'évolution des mœurs, la vie quotidienne de la musique et de la danse. C'est justement ces deux derniers éléments qui sont le fil conducteur de cette évocation pleine de beauté, de tendresse et de nostalgie. Des scènes cocasses par l'attitude des clients de l'établissement succèdent à des scènes dramatiques dont l'émotion nous serre la gorge. La plus déchirante reste celle au cours de laquelle un ancien "pilier" du bal revient de la guerre unijambiste et se présente à tous. L'émotion est à son comble puis, après maintes hésitations, l'orchestre reprend le morceau du moment et l'homme se met alors à danser la java sous les yeux émus et admiratifs de la clientèle. Une note optimiste se dégage nous démontrant que, malgré les aléas de l'Histoire, la salle continue d'exister car la danse et la musique ne meurent jamais quoiqu'il puisse arriver.


Cette œuvre est l'adaptation d'un spectacle mémorable du "Théâtre du Campagnol" de Jean-Claude Penchenat. Il n'est pas possible de dissocier le talent des acteurs de ce films qui changent avec bonheur d'apparence et d'attitude selon les époques traversées, tout en conservant leur personnalité. Voici un spectacle envoûtant où la nostalgie nous saisit en observant à travers la musique et la danse les diverses époques avec leurs joies et leurs drames. C'est un grand moment de cinéma que vous passerez dans ce tourbillon musical, alors ne le ratez surtout pas !


Ce film a obtenu le César du meilleur film en 1984.

Créée

le 12 nov. 2013

Modifiée

le 29 mars 2013

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