Le Caïman par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Bruno Bonomo est un producteur de cinéma de seconde zone dont les films, sans grandes qualités artistiques, ne font pas trop recette auprès du public. De ce fait il se trouve très vite en difficulté autant professionnelle que sentimentale. Il tente de lancer une superproduction "Christophe Colomb". Toutefois, faute de moyens, le projet ne peut aboutir. La situation devient dramatique pour lui. Sa vie matrimoniale se lézarde, il doit s'organiser pour s'occuper de ses deux enfants. Il n'est alors pas évident pour lui de refaire surface autant dans sa vie privée que sur le plan professionnel. Pourtant une opportunité va se présenter à lui en la personne d'une toute jeune réalisatrice qui vient lui proposer un scénario intitulé: "Le caïman", film biographique sur Berlusconi. Ce sujet étant en accord avec ses convictions politiques, il est alors saisi d'un élan salutaire et décide de le produire afin de révéler au public sa vision humaniste de la société. Il va alors se lancer à corps perdu dans la réalisation de ce film contestataire dénonçant la politique et la corruption que fait régner Berlusconi dans son pays.

Ce film nous décrit avec précision tous les rouages employés par ce gouvernement afin de brider les moyens d'information ainsi que la liberté d'expression au niveau de l'art et de la culture. Berlusconi devient omniprésent sur les antennes avec un seul mot d'ordre: briser la gauche et donner au peuple l'illusion d'une démocratie faite de joie et l'insouciance. La justice est bafouée et les magistrats menacés. L'Italie revient sournoisement à ses heures les plus sombres. Quant à Bruno, séparé de son épouse, il se débat avec ses multiples problèmes, conjugaux et financiers. Il est vrai que ses idées politiques jugées comme révolutionnaires nuisent considérablement à sa réputation aussi ne lui laisse t-on pas la possibilité de produire "Christophe Colomb", une super -production prévue pour être le monument de sa carrière. Heureusement qu'une "bonne fée" sous les traits d'une jeune réalisatrice lui apporte un jour le scénario de "Le Caïman" dont le héros principal ne peut avoir que les dents longues ! En fait il est question de Berlusconi, ce qui va redonner à Bruno la force de se battre puisqu'il aura l'occasion unique de dénoncer par l'intermédiaire du cinéma un personnage symbole d'un système politique qu'il a toujours combattu. La conviction et l'énergie reviennent grâce à cette jeune femme au courage désarmant. Reste à savoir qui tiendra le rôle titre .... Toujours est-il que si Bruno Bonomo arrive à mener ce projet jusqu'au bout, il deviendra une personnalité incontestable dans le cinéma engagé italien ....

L'excellent réalisateur Nanni Moretti nous a offert un film utile et fort bien construit afin de nous démontrer les dangers de la montée du fascisme en Italie sous le gouvernement de Berlusconi, homme despote et égocentrique. Au travers d'une intrigue tout à fait réaliste, le talent du cinéaste consiste à nous faire passer un inquiétant message sous couvert d'une comédie sociale et sentimentale bien à l'italienne, c'est à dire très volubile, démonstrative et souvent drôle. Des scènes d'actualité relatant de scandaleux propos tant au Parlement européen qu'au Parlement italien sont fort bien intégrés dans la structure de cette réalisation. Quant à la scène finale, elle est très évocatrice d'un dictateur cerné de toutes parts pour ses manipulations et prêt à tout pour s'accrocher aux rennes d'un pouvoir dont il n'a plus la maîtrise. Comme toujours, Nanni Moretti a su s'entourer d'interprètes de choix afin de nous rappeler le danger d'un tel pouvoir, Silvio Orlando notamment totalement imprégné du rôle de Bruno et Jasmine Trinca dans celui de Yeresa, la jeune réalisatrice opiniâtre. A citer également Daniele Rampello et Giacomo Passarelli qui contribuent de fort belle manière à la crédibilité de cette oeuvre.

Le cinéma actuel nous apporte par l'intermédiaire de quelques metteurs en scène une bouffée d'oxygène et d'espoir qui sentent bon la liberté, le progrès et la démocratie et Nanni Moretti fait partie de ceux-là. Quant à moi, j'applaudis des deux mains ce film intelligent et courageux.
Grard-Rocher
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le 5 mai 2013

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