Évacuée en trois minutes de temps dans le quart d'heure de fin du documentaire, l'intéressante thèse centrale (1) de l'ouvrage éponyme, dont ce film est une adaptation, y cède la place à une histoire convenue et superficielle du capitalisme grevée d'imprécisions grotesques (2) et ironiquement enfermée dans une mise en scène "clipesque" des plus rebutantes. Le film pêche en effet tant comme récit historique que comme objet cinématographique : proposant une esthétique publicitaire - succession frénétique de vignettes grossièrement illustratives à la beauté plastique, soutenue par un traitement musical emphatique et suggestif comme autant de moyen de court-circuiter la réflexion critique - en parfaite contradiction avec ses intentions discursives.


Les plus jeunes n’y détecteront peut-être pas la variation prétentieuse, bien qu'appauvrie (sur le fond comme sur la forme), des très supérieurs documentaires qu'Arte diffuse régulièrement sur le sujet (ou des sujets connexes).


Les plus vieux ayant peut-être déjà intégré les docus d’Arte et assimilé quelques ouvrages afférant, prendront sans doute plaisir à lister les innombrables contre-sens commis par une narration au pas de charge, lors du restau d'après séance.




(1) Pour synthétiser un peu grossièrement (mais pas autant que le film quand il dépeint l'histoire du capitalisme) : la structuration des inégalités économiques du XXIème siècle autour de la captation patrimoniale plus que de la distribution des revenus et le retour subséquent de la rente foncière comme principal dispositif de reproduction élitaire.


(2) La plus centrale étant la confusion qu'il installe - pour les besoins d'un récit ramassé - entre bourgeoisie et aristocratie. Car là ou l'ouvrage soutenait de manière assez convaincante qu'au XXIe siècle les mécanismes de la reproduction bourgeoise en viennent à mimer ceux de la reproduction nobiliaire, le film, subsumant ces deux adversaires historiques sous le terme générique d' "élite", s'autorise à les confondre d'entrée. Ne distinguant ainsi à aucun moment ce dont le livre prétendait nous compter le progressif rapprochement, on comprend alors l'incapacité du film à exposer la thèse de Picketty.

GuizZzZ
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le 12 août 2020

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