Pour son premier film fait avec des moyens Minnelli n’y va pas avec le dos de la cuillère, il signe un chef d’œuvre bouleversant à l’esthétique éblouissante, l’une des plus belles utilisations du Technicolor que j’ai pu voir. Les couleurs y sont chatoyantes à souhait, racontant à elles seules une histoire, que dire alors de la lumière ? Cette lumière parcimonieuse, qui se fait oublier dans un plan pour mieux nous surprendre dans celui d’après. Je pense bien sûr à la scène de l’extinction des lumières d’une beauté déchirante, plus la lumière se fait rare, plus elles brillent, tel un cœur vibrant qui gagnerait en clarté à chaque battement, c’est fou.
Mais Le Chant du Missouri ce n’est pas seulement un bonheur pour les yeux, s’en est aussi un pour les oreilles. Les chansons qui jalonnent le récit sont magnifiques, la musique qui l’accompagne l’est tout autant et surtout comme on est chez Minnelli chacune de ses digressions musicale n’en est finalement pas une puisqu’elle s’intègre parfaitement au récit, elles apportent même ce petit plus onirique et mélancolique si chère à Minnelli.
Tout cela est bien beau, mais de quoi ça parle Meet me in St Louis ?
En gros c’est l’histoire d’une famille de St Louis (incroyable, non ?) en 1903, alors que la ville prépare l'Exposition universelle. Un soir, le père de famille annonce qu'il a obtenu un travail plus avantageux à New York et qu'il faudra bientôt quitter le Missouri. La mère et les trois filles sont en émoi…
Minnelli va se servir de l’opposition qui se crée entre le père et « ses femmes » pour parler d’une chose qui lui tient à cœur, les conventions sociales. La société patriarcale est ici remise en cause par le surnombre féminin, les 5 femmes qui composent le foyer (si l’ont compte la bonne, qui n’est pas noire !) mènent la vie dure au père de famille. Par exemple quand le père évoque pour la première fois son départ pour New York, sa femme lance tout de suite un « on se passera très bien de toi ! » qui montre à quel point sa position dans la famille semble compliqué. C’est bien pire quand il leurs apprend qu’elles doivent venir avec lui. Toute de suite c’est la fronde, chacune à leur manière elles montrent leurs désaccords et si plus tard elles acceptent ce départ, c’est plus par amour pour leur père et du cocon familiale que par obéissance aux normes sociales.
A partir de là Spoiler ! Spoiler !
Si finalement dans un dernier mouvement déchirant l’une d’entre elles, la plus jeune, brisera ce silence pour laisser exploser sa rage, c’est son ignorance des conventions, son innocence face aux devoir et à la dure réalité de la vie qui lui permet cette liberté. Minnelli fait donc un constat amer, une foi l’âge de raison atteint, il devient difficile d’échapper à son rôle prédéfini dans la société, pourtant quand le père renonce c’est parce qu’il écoute son cœur, il refusera donc son avancement (chose impensable aux USA) et permettra aux femmes qui l’entoure de vivre comme elles l’entendent. Minnelli pense déjà, à une affirmation de la femme.
Je ne m’étends pas non plus sur la resplendissante scène du bal, la merveilleuse scène d'Halloween et le génial grand-père, indispensable à toute bonne comédie américaine.
C’est un film qui, à la manière de It’s Wonderful Life (quand même !) est bouleversant et fait espérer, nous remplit de joie, après nous avoir arraché les larmes. Minnelli montre ici toute la subtilité de son cinéma, c’est sublime.
Biniou

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