Il s'agit ici du tout premier film en tant que réalisateur de Mankiewicz, l'un de mes réalisateurs préférés.
Il fournit rarement, pour ne pas dire jamais, un travail médiocre et il ne me fait pas mentir ici.


Pour cette première tentative accidentelle (le film était à l'origine un projet de Lubitsch, ce qui me laisse perplexe), on reconnaît bien son style et son souci des personnages.
Cependant ce n'est pas tout à fait un coup de maître. L'histoire n'est pas aboutie comme elle aurait pu l'être, surtout pour un scénariste/réalisateur si attentif aux détails et aux personnalités de ses protagonistes.


La jeune Miranda Wells vit une vie bien monotone dans son Connecticut natal dans une famille de dignes fermiers très religieux. Un cousin éloigné par alliance l'invite à devenir la compagne/institutrice de sa fille de 9 ans et ayant convaincu ses parents à force de conviction, Miranda, qui rêve d'une autre vie, s'en va vivre dans la famille de Nicolas Van Ryn, dont les ancêtres sont arrivés sur le Mayfower, ou le bateau juste après, et qui se prend pour un roi sur ses terres.
Miranda est éblouie par cet homme raffiné et suave et lui semble être sensible au charme frais et radieux de sa jeune cousine.
Arrivés à Dragonwyck, la demeure ancestrale, l'ambiance sur place est un peu lourde mais la femme de Nicholas lui fait bon accueil. Une sombre histoire de mère suicidée et de clavecin qui joue la nuit apporte son ingrédient de mystère dans un décor déjà tarabiscornu et rempli d'ombres.


On dirait du Daphné du Maurier et le film est souvent comparé à Rebecca, certes, mais j'y ai plutôt trouvé des échos de Jane Eyre


si M. Rochester était un déséquilibré mégalomane qui tuait sa femme au lieu de choisir la bigamie, bien sûr


qui n'est pas exempt d'un certain aspect gothique, même si cela penche plutôt du côté du romantisme que du gothique.


Le noir et blanc est sublime et JLM utilise les ombres avec brio, déjà.
Gene Tierney est éblouissante, lumineuse et se coule à merveille dans le rôle, pas totalement sympathique, de Miranda. Elle irradie littéralement et construit un personnage en apparence simple mais qui gagne en complexité.
Mais celui qui crève l'écran c'est Vincent Price dans ce qui est probablement à mon avis son meilleur rôle (pour ce que j'ai vu de ses films bien sûr). Il est un Nicholas Van Ryn attirant et inquiétant. Son phrasé si particulier fait merveille pour habiller son personnage de mystère et de menace. Il y a quelque chose qui cloche chez ce type et il est difficile de savoir quoi.
C'est le personnage le plus intéressant du film et c'est au final son histoire plus que celle de Miranda. C'est cependant avec lui que le film pêche car, même si Price lui donne vie parfaitement, il manque quelques scènes qui donneraient plus de poids à sa névrose. La sujet de la mère suicidée n'est jamais utilisé par exemple et le clavecin n'est pas abouti non plus. C'est un détail et pas un élément de la narration et cela manque au personnage de Nicholas.
Le reste du casting est excellent.


Le film (ou peut être le roman d'origine) appuie également sur un aspect étonnant pour le ton de l'histoire. En effet, Van Ryn est un propriétaire terrien à l'ancienne et il se heurte à ses métayers soutenus par un médecin qui prône la liberté de travail pour soi. Un sentiment très américain que chaque homme doit posséder sa terre et ne pas dépendre d'un maître. S'opposant donc au dégénéré Van Ryn, héritier en ligne directe des européens et de leurs us royalistes.


C'est une jolie surprise que ce film qui me conforte dans l'idée de JLM est un très grand.

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le 12 mai 2020

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Anilegna

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