El Cid croise avec la pièce de Corneille mais déborde largement pour associer tragédie et roman historique. Il raconte, la reconquête de Valence, par les Rois de Castille.
Sans doute celui qui a tenté d'incarner le plus possible l'esprit du péplum, du réalisme, dru roman historique et du mythe épique. Anthony Mann réalise ici un chef d'oeuvre incontournable, El Cid, coloré, riche en décors, splendide, monumental, tout ce qu'on ne voit plus désormais. Autrefois il y'avait une culture dans l'art du cinéma qui aujourd'hui n'existe plus. Si le jeu d'acteur est assez inégal, si Heston s'en sort bien sans convaincre, si l'histoire déborde de la pièce de Corneille sans âme et sans saveur, ce film lui est juste stupéfiant et magique. Rarement on a vu autant de déploiement de moyens, de scènes grandioses que seul Mann sait réaliser dans un autre film que celui-là. C'est assez fort d'avoir pu adapter à l'écran, l'épopée Don Rodrigue, et en plus de la rendre passionnante. En fait, ce film retrace surtout un sujet: les valeurs équestres. Don Rodrigue a juré sur l'honneur de défendre le Roi, peut importe quel qu'il soit, et là où Mann est très fort, c'est qu'il enclave Rodrigue dans tellement de revirements qui l'obligeraient à se retirer ou détester le nouveau Roi, Alphonse, coupable du complot contre Sanche. Le Cid est toujours juste, quitte à se faire ex-communier et ses biens confisqués, quitte à tout risquer pour sauver la vie d'Alphonse, El Cid est construit sur les lois de l'honneur du féodalisme mais habilement du seigneur à son Roi. Outre la relation de Chimène et Rodrigue et l'amour qu'ils se vouent l'un à l'autre, Rodrigue semble plus consumé par les codes de l'honneur envers son Roi. C'est ça la véritable différence entre le film et la pièce de Corneille, finalement, l'histoire d'amour est en second plan. Rodrigue ne se préoccupe pas du tout du dilemme: venger son père, c'est perdre l'amour de Chimène, mais ne pas le venger, serait aussi de perdre l'honneur et aussi perdre Chimène. Donc Rodrigue ne sort jamais coupable, d'autant plus qu'il est un héros dans son pays; n'hésite pas à aider le mendiant, accorde le pardon à l'ennemi; il est sublime. Aimer le Cid, c'est aimer la gloire, et la gloire, c'est l'Espagne, le détester, c'est haïr l'Espagne.
La musique est aussi à applaudir, Miklos Rozsa compose une musique extraordinaire. Le thème de Rodrigue et Chimène, l'entrée des Nobles, les scènes de charge de chevaux spectaculaires. Une musique culte, qui illustre parfaitement l'époque et le mythe, le féodalisme et le cinéma contemporain.
Mann est très fort, car il est capable de rendre la mort épique et glorieuse. Le Cid doit mourrir, mais sa seule présence est nécessaire pour une dernière charge au château de Valence, sur son cheval blanc et sa toge éclatante, il charge en cavalant en sachant qu'il ne rentrera jamais. Ce sens du sacrifice ne s'est jamais vu dans le cinéma.
L'oeuvre de Mann est belle par son humanisme, par sa jeunesse, par la splendeur de son image, de ses couleurs, de scènes toujours de plus en plus spectaculaires, de trames et de dénouements heureux.