Dupieux qui nous raille, à moins qu'il ne déraille

À peine trois mois après Daaaaaalí, Dupieux remballe avec un deuxième acte, et tout en y retrouvant l'esprit Dupieux, il essaie tout de même de nous surprendre. Formellement, on est encore dans une mise en abyme, où la réalité ne semble pas vraiment se détacher de la fiction, à moins que ce ne soit l'inverse. Nous avons aussi de magnifiques plans séquences, assez longs et empli d'impro, où la post-production, que ce soit musique ou montage, sera complètement proscrite, et ça donne quelque chose de presque intéressant.

Dupieux se permet aussi de provoquer un peu, comme d'habitude finalement, en abordant pêle-mêle : le validisme, l'homophobie, la cancel culture, les agressions sexuels, l'antisémitisme, les salles de cinéma à moitié vides, les voitures hybrides, l'intelligence artificielle, le rejet, la solitude, le suicide, le chaos mondial... et la place insignifiante du cinéma dans tout cela. Même si l'on pourrait s'attendre à une dénonciation cinglante, on reste chez Dupieux, qui aime bien noyer son poisson dans une multitude de couches qui se contredisent. Il est difficile d'en retirer quelque chose de concret, tant une bonne partie semble un peu gratuite, mais c'est le jeu, et il serait bien simple d'en faire un procès d'intention.

Étonnement, le personnage qui m'a le plus marqué, c'est celui joué par Manuel Guillot, le figurant pas très à l'aise, qui aura bien du mal à se démarquer de ses comparses, déjà bien plus établi dans le métier (qu'importe la réalité), qui vont plutôt lui exprimer hypocrisie, moquerie et rejet. Avec son petit rôle insignifiant, il va redéfinir la manière de voir le film, et son quatuor de personnages principaux, qui prennent trop de place, qui font semblant, ou qui font semblant de faire semblant. Là où notre personnage semble on ne peut plus sincère.

Bref, encore un Dupieux, mais qui réussit encore à se démarquer sur certains aspects, tout en gardant le même esprit, avec ses réalités entremêlées, et avec un rythme qui prend son temps. On pourrait peut-être y voir une inspiration du film "Les Acteurs" de Bertrand Blier, où l'on va dans la caricature de nos acteurs fétiches (ou pas), mais en vrai, il me fait plus penser à "L'Acteur", au singulier, un film nommé au César du meilleur court-métrage documentaire, alors que ce n'est même pas un documentaire, où Raphaël Quenard se met en scène dans une espèce d'ego trip, c'en est aussi fascinant que déconcertant. Et finalement, on garde un peu un malaise similaire ici, où le film fait un peu le malin, en abordant des thématiques sensibles, en flouant les pistes du réel/fictif. Là où cela devient plus étonnant, c'est que ces frontières ont l'air d'être aussi floues lors des interviews de l'équipe du film, qui continuent à agir dans leur rôle... comme une expérience sociale à ciel ouvert.

(Vu le 16 mai 2024 au cinéma)

Tiflorg
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le 20 mai 2024

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