Du montage des images et de la vie

A l'origine chercheur en sociologie, Thibaut Le Texier propose dans le Facteur humain (2011) une puissante traduction de ses travaux sur le management et le taylorisme en une matière narrative et sensible. On y découvre un remarquable travail de collecte et de montage d'archives de vidéos et pubs américaines des années 60, qui nous dit tout d'un monde d'hyper consommation et de libéralisme millimétré. Cette collection d'images apparemment banals acquiert alors une réelle puissante signifiante.

Celui-ci se trouve complété par l'usage de la voix-off, qui n'est pas sans rappeler Retour à Reims, (Fragments) de Jean Gabriel Periot, portrait d'une classe ouvrière narré par Adèle Haenel. On est cependant ici en présence d'une double voix-off fictionnelle : le dialogue épistolaire entre un ingénieur et sa femme. L'homme travaille auprès de Henry Taylor, grand patron aux méthodes innovantes, la femme applique ces préceptes à la tenue d'un foyer. Certitudes et doutes s’enchaînent à travers leur relation distanciée : les remords de l'ingénieur confronté aux ravages de ces méthodes face à l'adhésion progressive de sa femme à cette rationalité économique.

L'association des voix et des images agit alors à un double niveau : non seulement l'archive illustre, mais elle exprime aussi la mise en application du taylorisme a posteriori. Le couple évolue début XXème siècle : près de 50 ans plus tard, le système pourtant durement critiqué par l'ingénieur en fin de film s'est bien appliqué à la société américaine, et mondiale.

Critique élaborée pour participer au Jury étudiant des Prix Cinéma France Culture des Étudiants 2023 (limitée à environ 1000 caractères).