Le Garçon et le Héron
6.9
Le Garçon et le Héron

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (2023)

Ah, mon cher public

de cinéphile composé de trois personnes dans ses meilleurs jours.

Voici le récit de ma dernière escapade nocturne, dans la fraicheur hivernale d'un centre-ville qui ressemble à temps d'autre, où l'on se mût péniblement entre les enseignes de fast-fashion et les vélos UberEat. 


La séance de 21h00,

une heure propice à l'exploration cinématographique, ou du moins, c'est que je croyais, accueilli par le frisson d'hiver, piquant ma peau, me faisait instantanément regretter ma décision. Quittant un cocon douillet où le chauffage, les plaides et les chefs-d'oeuvre du 7ème art en VOD coulaient à profusion.

Je reste toutefois obstiné, conscient qu'on ne peut pas vivre sans prendre de risque. 

J'étais donc prêt à m'aventurer dans l'obscurité de la nuit pour une expérience que je pensais alors digne de mon raffinement. 

Comme à l'accoutumée, le cinéma était impeccable,

et pourtant comme toujours désertique. Un triste reflet de l'indifférence grandissante envers cet art qui, telle une starlette sur le déclin, tente désespérément de préserver sa popularité, forçant même les âmes passionnées à le délaisser.

Mon cynisme habituel ne, pouvait s'empêcher de noter cet "hypocrisie" flagrante. 

Mais au fond, il est difficile de ne pas être séduit par le charme intemporel de ces salles obscures, par l'odeur enivrante du popcorn, et par l'attente fiévreuse de découvrir ce que la toile argentée a à offrir. Le cinéma, malgré tout, reste un sanctuaire pour les....

Soudainement, à ma plus grande surprise,

pensant être seul comme le bon rabat-joie que je suis, un groupe d'individus s'aventure dans la salle. Le cinéma n'est donc pas mort ! Qu'elle ne fut pas ma stupeur quand je m'aperçus que ce n'était nul autre que des Super Sayen, cheveux verts, bleus, jaunes, rouges, toutes les étapes de l'arc-en-ciel étaient bien présentes, malgré une silhouette plus proche de Majin Boo.

Pensant au premier abord à une animation organisée par le cinéma pour m'amuser et me divertir dans le but de me plonger en avant première dans la colorimétrie du maestro Miyazaki. 

La réalité me rattrapa....

Quelle erreur de ma part 

d'avoir sous-estimé la puissance de l'animation japonaise. Me voilà désormais, pour ainsi dire, dans une salle aux allures de serveur Discord dédié à la Japanime où gesticulations sur son siège, coups d'œil frénétique sur son téléphone, reniflements et rires tonitruants sont monnaies courante. 

Sans oublier, bien entendu, les tristement célèbres seaux de popcorn, qui sont dégustés avec la mollesse d'un jeune éléphant. 

Notez, cher lecteur, l'inconfort que l'on m'a infligé, qui a sans nul doute des répercussions sur mon avis à l'égard de ce métrage. Ah, l'amour du cinéma et ses merveilleux compagnons d'infortune !

La séance commence,

le blue screen windows estampillé Studio Ghibli vient raviver nos papilles. Je m'enfonce donc dans mon siège, prêt à conquérir ce nouvel univers. Nous passons enfin à table, ma voisine aux cheveux rouges au sens propres.

Égocentrique, je présume de mon intellect et tente d'anticiper les messages et les intrigues du film. Dans un premier temps, je suppose qu'il s'agit d'un message sur le deuil, avec un jeune homme désireux de mettre fin à ses jours, le héron étant la personnification de son envie de suicide. Il fait face à l'incompréhension de son père, obsédé par l'argent et le pouvoir. Néanmoins, loin de ce tableau sombre est sophistiqué.

Miyazaki nous délivre ici, aux antipodes de la rigueur qui a pu caractériser Le vent se lève, une copie brouillonne imparfaite, d'un film qui semble partir dans toutes les directions.

Nous sommes face à un medley de concept et de couleur un MAXI BEST OF de Miyazaki.

On peut y voir ce film comme une tournée d'adieu

d'une rockstar fatiguée, un ultime album où l'on a tenté de reproduire ses succès du passé. L'ensemble semble un peu bancal, une tentative de réunir tous les éléments qui ont fait la renommée du réalisateur, mais sans parvenir à les assembler de manière harmonieuse. C'est comme si Miyazaki avait versé dans l'excès, cherchant à impressionner par l'abondance de ses idées, sans parvenir à créer une œuvre cohérente et mémorable.

Je reconnais qu'il est agréable de se laisser porter

dans une cacophonie de symboles, de s'abandonner à la magie de l'écran plutôt que de chercher désespérément à tout analyser. Laisser la surprise et l'émerveillement s'emparer de nous au-delà de notre propre arrogance intellectuelle.

Les tableaux se succèdent sans se ressembler. La technique est impeccable, il faut bien admettre que le cinéaste sait ce qu'il fait et maîtrise son art.

Je pense notamment à une scène impressionnante où un Piaf affûte son couteau en face de notre héros séquestré et impuissant. Oui, cette séquence est visuellement saisissante, mais malheureusement, c'est là que le film semble atteindre ses limites. C'est précisément le défaut majeur de cette œuvre :

des images puissantes au service d'un propos qui reste moyen.

On peine à s'attacher aux personnages.

En effet, notre héros s'engage dans une quête qui semble rapidement reléguée à l'oubli, avec une naïveté caractéristique des personnages japonais.

Les autres personnages du récit se révèlent tous être des figures lisses et prévisibles, dépourvues de la moindre profondeur ou volonté propre, comme des âmes dépourvues de sens, accomplissant simplement un rôle de spectateur dans le déroulement de l'histoire.

Une épopée intergalactique à travers le temps,

voilà le twist que le réalisateur tente de nous vendre, mais qui, en réalité, n'en est pas un. Il aborde, à la vitesse de l'éclair, une multitude de sujets aussi divers que le voyage dans le temps, la souveraineté d'un royaume, et les problématiques d'une entité quasi divine.

Cela nous donne l'impression d'avoir été secoués dans une machine à laver, un peu comme un lendemain d'une soirée agitée.

L'esprit tourbillonne, on ressent comme une nausée intellectuelle, une envie de tout régurgiter pour se débarrasser de ce flot d'idées tourbillonnantes qui ont laissé notre cerveau en ébullition.

Le film semble nous avoir bombardés de tant de concepts et d'images sans jamais prendre le temps de les approfondir, créant une confusion mentale qui nous laisse dans un état de désorientation, à la recherche d'une clarté qui semble bien loin.

Le film ne se décide pas à choisir une direction, préférant plutôt se promener dans des fragments d'idées sans jamais les approfondir. Frustré, nous avons soif d'aventure, de voyages épiques.

Mais voilà, l'oeuvre reste sur la ligne de départ,

elle nous laisse avec un goût d'inachevé, une promesse non tenue. On a envie que le film nous emporte dans un tourbillon d'émotions, qu'il nous fasse vibrer et réfléchir. 

Loin de l'expérience cinématographique mémorable cela ressemble à une aspiration inassouvie, telle une séductrice énigmatique qui nous ensorcelle pour ensuite disparaître dans la brume.

Je sors de la salle avec un bagage rempli de souvenirs,

d'images et de paysages qui ont animé mon imagination. J'ai l'impression d'avoir vécu une aventure visuelle remarquable, mais je ne peux que me rappeler avec nostalgie d'autres réalisations de l'auteur...

Le revers de la médaille est amer, car il est fort probable que j'aurai complètement oublié ce film d'ici demain, car il ne délivre rien de plus profond que cela.

Ce film semble s'adresser à une génération avide de distractions rapides,

une expérience cinématographique superficielle qui s'adapte à la frénésie des adeptes de TikTok.

Il offre une belle épopée visuelle, mais elle est semblable à un feu d'artifice éblouissant qui s'évanouit rapidement, laissant derrière elle un goût d'éphémère.

En fin de compte, il nous rappelle que, malgré la tentation de la fast consommation, il y a des récits cinématographiques plus mémorables qui méritent notre attention et notre temps.

Merci de m'avoir lu, à la prochaine pour de nouvelles recettes.

Santé 🎬

Créée

le 7 nov. 2023

Critique lue 83 fois

2 j'aime

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