Voilà plus de dix ans sortait sur nos écrans l’adaptation des prestigieux et cultissimes livres de J.R.R. Tolkien, Le seigneur des anneaux ! Peter Jackson réussit le pari fou et insensé de faire vivre la Terre du milieu sur grand écran, faisant de l’Heroic-fantasy un genre en soi qui jusqu’à présent, n’avait jamais vraiment trouvé sa place dans l’histoire du cinéma. Dans les années 80 ont tout de même surgit de belles pépites cinéphiliques : Excalibur de John Boorman, Conan de John Milius, Willow de Ron Howard ou encore le sous estimé Legend de Ridley Scott, mais rien de réellement captivant depuis la fin de cette décennie …


En 1996, le cinéaste néo-zélandais alors en plein tournage de Fantôme contre fantôme se confrontait pour la première fois aux images de synthèse. Il commençait alors à entrevoir dans un coin de sa tête comment il allait pouvoir réaliser son rêve de gosse. Cinq années plus tard, le rêve devient réalité et son adaptation du Seigneur des anneaux rencontre le succès qu’on lui connaît.


Peter Jackson, principal chef d’orchestre de la trilogie avec sa femme Fran Walsh, a accompli un travail surhumain et titanesque qui n’est pas sans évoquer celui d’un certain George Lucas et ses deux trilogies Star Wars, par sa volonté d’ériger un imaginaire foisonnant en utilisant au mieux les possibilités de la technologie de son époque.


Si la première trilogie du Seigneur des Anneaux fascinait autant qu’elle impressionnait, c’est parce qu’elle offrait une réelle nouveauté et un vent de fraîcheur dans le royaume du blockbuster. En plus d’ériger un univers merveilleux peuplé de nombreuses créatures fantastiques vraiment différentes les unes des autres, les films regorgeaient de batailles épiques et dantesques, de scènes plus intimistes et profondément lyriques, sans oublier cette incroyable direction artistique qui entre les décors, les costumes et les accessoires, parvenaient à imposer un réalisme vraiment déconcertant.


En continuant la franchise neuf ans après le dernier épisode (Le retour du roi – 2003), Peter Jackson et son équipe relance la machine en adaptant cette fois le livre Bilbo le Hobbit sur trois nouveaux long-métrages. Si l’idée n’est pas inintéressante puisque la mythologie de Tolkien est suffisamment riche pour relever le défi (les scénaristes sont allés puiser des éléments dans le livre Le Silmarilion, cosmogonie fictive de la Terre du milieu écrite par l’auteur lui même et paru en 1978), j’espère simplement que cette nouvelle trilogie rende un aussi bel hommage que les précédents à l’univers créée par J.R.R. Tolkien.


Et après la vision de Un voyage inattendu sorti l’année dernière, j’étais plutôt satisfait de cet épisode qui reprenait habilement le rythme posé et le style romanesque de La communauté de l’anneau. Se replonger dans cet univers désormais familier m’a procuré en tout cas un vrai plaisir de cinéphile ! L’intrigue étant maintenant posée, l’aventure “la vraie” peut enfin prendre toute son ampleur en mettant définitivement de coté les longueurs agréables, certes, mais pas forcément nécessaire qui, déjà, tempérait le voyage de Bilbo dans le premier opus. Dans cette suite tant attendue, La désolation de Smaug se devait donc d’entrer dans le vif du sujet !


Si je ne me suis rarement ennuyé, toute la dimension épique est malheureusement parasitée par la volonté de Peter Jackson de vouloir absolument faire une trilogie coûte que coûte. Quelques fulgurances m’ont tout de même tenu en éveil le temps d’une très réjouissante scène d’évasion ! Mais l’attraction du film se retrouve beaucoup trop souvent au point mort à cause des longueurs enlisant le rythme du récit. Les personnages volontairement rajoutés à l’intrigue occupent un temps de paroles parfois trop important et les dialogues s’éternisent au lieu d’aller à l’essentiel et au plus simple.


Alors oui, on est content de revoir Legolas et ses incroyables performances et acrobaties en tout genre ! On apprécie la présence de la très belle Evangeline Lilly dans le rôle de Tauriel, une elfe guerrière à la fois fougueuse et romantique qui, étant quasiment l’unique figure féminine, embellie assurément la nature profondément masculine de l’entreprise !


Mais la romance entre les deux elfes et Kili est clairement la sous intrigue la moins intéressante du film ; de plus, cette scène ou le nain, une fois guérit par la magie elfique, voit Tauriel comme une icône religieuse est franchement de mauvais goût ! Cette relation triangulaire à du mal à se justifier dans cette odyssée et s’accorde maladroitement avec celle qui nous préoccupe surtout, à savoir la place de Bilbo dans la confrérie des nains.


Tauriel, personnage absent du livre, trouve en revanche une véritable utilité dans le récit puisque elle fait avancer les choses du coté elfique. C’est elle qui oblige Legolas à partir de leur clan isolé du monde pour prêter main forte aux nains en combattant les orques. Son caractère rebelle fait prendre conscience à Legolas qu’ils doivent agir au plus vite contre l’ennemi, que des forces sont en jeux et qu’il ne sert à rien de rester caché dans leur forêt alors que orques et arachnides croissent autour de leur clan. Et grâce à ses deux personnages, on a le droit à de belles et hallucinantes scènes de combat qui, à défaut de rester dans les annales car totalement factices et démesurées, ont le mérite de nous en mettre plein les yeux avec, souvent, une bonne utilisation de la 3D.


Quant aux scènes absolument géniales, si elles ne sont pas nombreuses, j’en retiendrais essentiellement trois. Celle où Bilbo, déjà sous l’emprise de l’anneau, tue volontairement une larve d’arachnide alors qu’il n’est même pas attaqué. On peut sentir à travers cet acte vil et gratuit qu’il commence à se transformer psychiquement et qu’il ne devient plus totalement lui même. Sans aucun doute la séquence la plus réussit et la plus intense du film.


Il y a aussi celle ou Thorin, barrant la route à Bilbo qui a retrouvé l’Arkenstone dans le trésor du dragon, exige qu’il lui rende son bien d’un air plus que menaçant. On perçoit pour la première fois toute la noirceur du nain, facette plus ou moins cachée qui prend à cet instant précis une dimension assez prophétique quand on connait le destin de ceux qui, précédemment dans la trilogie, étaient sous l’emprise de la ‘possession’ !


Mais la plus spectaculaire et la plus jouissive est sans contexte la scène d’évasion des nains dans les tonneaux évoquée plus haut, unique climax du film ! L’action et l’humour trouve un équilibre absolument saisissant quand, dans le combat qui s’engage entre les elfes et les orques autour d’un fleuve particulièrement agité, Bombur, prisonnier de son tonneau, écrase et fait voltigé l’ennemi dans un étourdissant plan séquence aussi ludique que jubilatoire. L’esprit de Peter Jackson, dans ces trop rares séquences, parvient à vitaliser l’ensemble du métrage qui manque tout de même de scènes vraiment mémorables.


Si, pour exemple, quelques mouvements de caméra épousent efficacement celui du dragon quand il échange les premiers mots avec Bilbo, toutes les scènes d’actions qui suivent souffrent encore une fois de longueur. Personnellement, le besoin de nous en mettre plein la vue fini malheureusement par me lasser ! Comme James Cameron avec Avatar, Peter Jackson fait trop joujou avec la technologie et préfère le parti pris de l’immersion visuel en abusant un peu trop de la 3D sans se soucier du récit.


Le cinéaste ne s’efface plus du tout derrière l’ampleur et la richesse de l’oeuvre mais s’affirme au contraire dans ses effets ampoulés de mise en scène en laissant l’esprit de Tolkien au second plan. Plutôt que d’ériger l’univers d’un grand conteur et d’offrir un spectacle plus cinématographique comme le faisait plus humblement le premier épisode, la mythologie est parfois réduit à un décor de montagne russe dans lequel le spectateur évolue comme dans un jeu vidéo !


La texture factice des images amoindrissent l’émerveillement car, désormais, les effets spéciaux occupent une place centrale. Le spectateur étant à présent en terrain connu, j’ai l’impression que la production se repose trop souvent sur la technique et le spectacle en négligeant l’aspect littéraire. Voulant à tout prix suivre le chemin de James Cameron avec la technologie numérique utilisée pour la réalisation de cette franchise (la 3d HFR), force est de constater que Peter Jackson peine à offrir un spectacle cinématographique à la hauteur de sa première trilogie.


Malgré quelques coups d’éclats, cette aventure tout juste de bonne facture m’a transporté avec beaucoup moins de magie que la première trilogie, même si j’ai pris un certains plaisir, sur le moment, à regarder ce film. Si tous les éléments sont bel et bien présents pour donner forme et cohérence à cette nouvelle trilogie – et plus particulièrement à ce cinquième épisode, quelques scènes imposantes ralentissent trop fréquemment le récit pour donner vie à une histoire d’un livre, rappelons-le, d’à peine quatre cents pages.


Pour l’adaptation du Seigneur des anneaux, il était bien plus aisé d’aller puiser dans le matériau original car il y avait assez d’éléments, de description et de pages justement pour mettre sur pied ce projet faramineux. Et n’ayant pas de structure suffisamment rigoureuse, la mollesse du montage et de la narration de La désolation de Smaug ne rend pas justice à ce récit épique qui aurait vraiment mérité plus d’attention, notamment en ramenant le film à une durée plus raisonnable.


De plus, la superficialité de la mise en scène se cristallise bien trop souvent dans ses mouvements récurrents et laborieux de la caméra qui n’exploite pas toujours au mieux la 3D ; quelques cadrages et composition de plans manquent cruellement de relief et de pertinence. Et certains effets spéciaux ne sont pas toujours de très bons goûts comme l’apparition de l’oeil de Sauron pour ne citer que lui.


On se rappellera aussi que Peter Jackson ne voulait pas porter la casquette de réalisateur dans cette aventure car il ne voulait pas revivre ce qu’il avait vécu avec le tournage et la production intensive de la première trilogie qui l’avait épuisé. Initialement prévu sur le projet, le cinéaste Guillermo Del Toro (Hellboy 1 & 2, Le labyrinthe de Pan) a malheureusement quitter le navire – les tournages annoncés ont sans cesse été reculé (1) – et s’il y avait pourtant bien une personne capable d’apporter à la fois un visuel sophistiqué et poétique, une écriture plus subtile dans la caractérisation des personnages ainsi qu’un récit extrêmement bien ficelé et fidèle au conte de Tolkien, c’était bien lui !


Dans cette nouvelle trilogie, je trouve que l’apport massif du numérique ronge l’aspect du merveilleux et de la fantasy. Il y a, à mon sens, beaucoup plus de naturalisme et de pureté dans la première trilogie. Les images de synthèse ne l’emportaient jamais sur la beauté des paysages et des décors ; ces derniers apportaient un réalisme authentique à la Terre du Milieu. Si quelques scènes regorgeaient de trucages numériques vraiment impressionnants et innovants pour l’époque (la motion capture du Gollum ou encore les titanesques scènes de batailles !), la Terre du milieu nous semblait palpable et exister réellement. Malheureusement, je n’ai jamais ressentit cela sur cet épisode !


Pour conclure, Peter Jackson semble dans cette trilogie plus que jamais préoccuper par la technologie. Même s’il prend grand soin, lui et son équipe, de construire une franchise cohérente sans faire trop de remplissage, la longueur de certaines scènes et l’aspect numérique et donc artificiel des plans ne m’insitent pas à les revoir de sitôt. Je sais que je prendrais toujours plus de plaisir à regarder la première trilogie que celle que nous découvrons actuellement !




(1) Guillermo Del Toro s’explique : http://www.actucine.com/cinema/guillermo-del-toro-ne-realise-plus-the-hobbit-18689.html

Mathieu_Babhop
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le 19 août 2016

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