Le Hobbit : la Désolation de Smaug vient poursuivre l'aventure qui avait été entamée avec un Voyage inattendu. Pour ma part, j'avais été très satisfait du premier film (voir ma critique) et j'attendais donc celui-ci avec impatience. Certains critiquaient le manque de rythme du premier film, ils ne devraient pas pouvoir se plaindre sur ce second opus.

A l'image des Deux Tours par rapport à la Communauté de l'Anneau, le deuxième épisode du Hobbit est plus orienté vers l'action que son aîné. On a droit à un petit flashback en début de film, qui situe un peu le contexte en nous montrant la rencontre qui va enclencher la quête des Nains, puis les péripéties commencent vite : on replonge directement dans la suite de l'histoire.

A partir de là, le film suit les principaux événements du livre, à quelques détails près. Si le premier film était resté, selon moi, très fidèle au matériau de base, ce second épisode nous donne droit à pas mal de dérives et de nouveautés diverses.

(Cet avis compte pas mal de spoilers, pour info)

Assez vite dans l'aventure, Gandalf doit se séparer de la compagnie. Dans le livre, on ne suivait pas du tout ses péripéties, on était toujours auprès de Bilbo. Ici, quelques passages avec Gandalf entrecoupent leurs aventures, permettant d'enclencher une certaine dynamique de suspense relativement efficace. Concernant l'aventure de Gandalf, elle nous met en lien assez direct avec le Seigneur des Anneaux, et il faut avouer que c'est plutôt bien mis en scène, jouant sur le « suspense » qu'a le spectateur – car il doit avoir deviné à qui va se confronter le magicien.

Du côté des Nains, plusieurs péripéties s'enchaînent, comme dans le livre : la Forêt Noire, les araignées, puis les Elfes. Dès lors apparaît un personnage complètement créé dans le cadre du film (donc n'apparaissant pas dans le livre) : Tauriel, une Elfe. Bien qu'étant plutôt bien interprété et rendant honneur aux Elfes femmes, le développement de Tauriel m'a paru être par moments un peu prétexte à certaines péripéties.
Sa relation avec Kili, bien qu'assez inattendue et extravagante, reste peu abusive (pas de bisous, dieu merci !) et assez touchante, et elle donne droit à de jolies scènes. Legolas est mêlé à cette relation, car il est attaché à Tauriel. J'attends le troisième film pour voir comment cela finira, bien qu'une issue semble assez logique pour Tauriel, absente du Seigneur des Anneaux.

La séparation Gandalf/Nains n'est pas la seule du film, car un certain nombre de Nains sont aussi laissés en arrière du groupe au départ de Lacville, et c'est là une autre dérive par rapport au livre, où tous les Nains rejoignaient Erebor. Du coup, on a encore une fois une alternance de lieux qui permet d'obtenir un dynamisme certain.

Concernant Legolas, on pourrait déplorer le manque de finesse du personnage, qui devient une sorte de caricature de lui-même, plus agile et rapide que jamais. Aussi, il semble plus sombre que dans le futur, moins « elfique » que dans le Seigneur des Anneaux, j'ai trouvé, ou en tout cas moins « naturel ». Cela dit, le personnage étant absent du livre, j'ai ressenti un certain plaisir à le voir ici, car il n'est pas mal développé. On nous montre qu'il n'a que faire du sort des Nains, alors qu'on sait quelle relation il développera des décennies plus tard avec Gimli. Notons d'ailleurs une référence sympathique à Gimli lorsque l'Elfe apparaît devant les Nains dans la Forêt Noire. Jackson sait faire plaisir aux fans !

D'ailleurs, le caméo du réalisateur au tout début du film, assez remarquable, est une référence directe à la Communauté de l'Anneau, où il apparaissait en train de faire la même chose, à savoir manger une carotte. Sympa !

La partie chez les Elfes permet de développer l'histoire entamée lors du premier film, lorsqu'on assistait à l'abandon des Nains par l'armée de Thranduil (interprété par Lee Pace, qui livre une très bonne performance). Nul doute que cette histoire sera aussi développée dans le troisième film, surtout si on a lu le livre.

Selon moi, on peut diviser le film en trois parties, et en trois rythmes différents.

La première partie se termine avec la fuite des Nains en tonneaux. Jusque là, le film était assez bien équilibré et bien construit, et plutôt fidèle au livre.
La seconde partie démarre après les tonneaux et se termine au départ de la compagnie de Lacville. Là, le film se veut assez lent, et même si rien n'est vraiment à jeter, ça manque de punch. Ce qui m'a peut-être le plus gêné aussi dans cette partie, c'est que Bilbo s'y fait assez discret, alors qu'il s'agit du personnage principal. En réalité, c'est plutôt Thorin qui est mis en avant ici, jusqu'au « dénouement » de toute la partie à Lacville, où le Roi sous la Montagne regagne la confiance du peuple.
La troisième partie est celle qui redonne probablement sa grandeur au film, avec l'entrée de Bilbo dans la montagne, et donc l'apparition tant attendue du film : Smaug.

Je l'appréhendais un peu, mais ce que laissait entrevoir les bande-annonces était relativement tentant. Verdict : une réussite complète. Toute la partie avant l'apparition du dragon fait monter la pression, et lorsqu'il apparaît enfin, c'est fait de manière progressive et pas trop brutale, de sorte à ne pas gâcher toute cette tension frissonnante accumulée jusque là. Le sujet est maîtrisé : le dragon est à la fois beau et terrifiant, que ce soit visuellement ou d'un point de vue sonore, car sa voix est à la fois léchée et grondante. Les dialogues avec Bilbo sont dans l'esprit du livre, où le Hobbit flatte le dragon et l'occupe pendant qu'il tente de prendre l'Arkenstone.

Par la suite, Bilbo et les Nains finissent bloqués par le dragon, devant rester sous la montagne. Il me semble que cela se déroule autrement dans le livre : Bilbo ressort et les Nains n'entrent pas dans la montagne avant que Smaug l'ait quittée. Quoi qu'il en soit, Thorin décide de se battre, le dragon se déchaîne et on a droit à pas mal de scènes époustouflantes, bien qu'étant un poil trop exagérées : les personnages sont parfois dans des situations extrêmes et s'en sortent surtout par une chance démesurée. Un peu trop abusif à mon goût, le spectacle n'en reste pas moins grandiose.

Concernant les personnages, ce qui prime dans ce film est surtout la noblesse et la fierté. Cela se ressent surtout chez Thorin et Balin lorsqu'ils parviennent enfin à franchir la porte cachée d'Erebor, leur maison de jadis. Une scène très belle où l'émotion des Nains se ressent, tant dans la musique que dans le jeu des acteurs, en passant par la manière de filmer.

A ce propos, il y a quelques scènes symboliques qui m'ont beaucoup plu. Notamment lorsque Thorin attrape la clé que Bilbo manque de justesse de faire tomber de la falaise, puis le Nain se redresse avec la clé en mains, et on voit alors tous les Nains présents de profil se poster en ligne aux côtés de Thorin, avec une musique bien représentative en fond sonore.

Une autre scène de ce genre qui m'a plu : toujours au même endroit, alors que Bilbo est dans la montagne, Thorin et Balin discutent, et à un moment, Thorin dit « Je ne suis pas comme mon grand-père », et on le voit alors de profil, et en arrière-plan se dessine également le profil de la statue sculptée dans la montagne (son grand-père ?). Très symbolique et très réussi.

Même si les Nains ont leur noblesse et leur droit de tenter de reprendre Erebor, ils se confrontent à un autre personnage qui a lui aussi des valeurs nobles : Bard. Pour lui, la venue des Nains signifie surtout un risque immense pour la ville, en proie à la peur et aux doutes sous la menace du dragon. Si les Nains le provoquent, c'est eux qui en subiront les conséquences. Le bagage psychologique du personnage de Bard réside aussi dans le fait qu'il est le descendant de celui qui avait affronté Smaug avec des flèches noires, seules capables de mettre à terre le dragon. Bard est donc celui qui a le potentiel d'affronter Smaug, mais il souhaite avant tout protéger son peuple.

En tout cas, la confrontation entre Bard et Thorin est réussie, et on sent que si Thorin a réussi à regagner la confiance du peuple, Bard, lui, nous communique son malheur et son chagrin de voir tout le monde acclamer celui qui les mènera peut-être à leur mort.

En termes visuels, le film se révèle aussi beau que le précédent, moins enchanteur mais toujours aussi soucieux du détail et de l'ambiance. Concernant la musique, je n'ai pas trouvé qu'elle brillait particulièrement (bien qu'elle reste de qualité !), notamment parce qu'elle n'utilisait pas assez de thèmes du premier film. Cela dit, il y a quelques scènes très bien mises en musique, comme lorsque Thorin se revendique à nouveau à Lacville, et là elle sied bien à la grandeur retrouvée du personnage ; ou encore lorsque les Nains ouvrent la porte cachée d'Erebor. Un des thèmes les plus récurrents lors du film est celui de Smaug, qui pour le coup est assez réussi et assez inquiétant, je trouve. Il y a également un thème pour Tauriel, assez héroïque et pourtant triste en même temps, j'ai l'impression. C'est comme si la mélancolie amoureuse du personnage émanait de la musique (étant donné sa relation impossible avec Kili). Enfin, on notera deux thèmes bien connus du Seigneur des Anneaux : celui de l'anneau, apparaissant à quelques reprises lors du film, et celui du Mordor/Sauron, d'une manière bien claire et presque brutale.

Globalement, le film est assez déséquilibré, tantôt calme et lent, tantôt très nerveux et dynamique, et s'en est presque assommant, et certaines scènes se terminent même trop rapidement, trop brutalement. Au final, après les 2h40 que dure le long-métrage, on se retrouve avec un mélange d'excitation et de stupéfaction, car la fin nous laisse vraiment sur une scène pesante et terrifiante, surtout qu'elle est magnifiquement mise en scène.

C'est assez étrange, car malgré le contenu du film, j'ai eu l'impression qu'il ne servait pas vraiment un but précis, que ce n'était qu'un épisode de transition pour le suivant. En fait, je pense que c'est surtout que la fin arrive très brusquement, et qu'elle m'a laissé sur une envie telle que j'ai un peu oublié ce qui avait précédé. La dernière partie du film nous emporte non-stop dans toute une série de péripéties incroyables, ce qui nous amène à être happés par les événements sans voir la fin arriver. Et en réalité, la réussite du film réside surtout dans cette fin, car elle m'a vraiment laissé pantois : tout souriant, je savais que le troisième épisode allait se faire attendre plus que jamais et qu'il serait – je l'espère – épique.

Malgré tout, il faut souligner le rythme très inégal du film, et un côté moins conte, plus grave, et même plus proche du Seigneur des Anneaux. Là où le premier film m'avait paru assez fidèle à l'esprit du livre tout en glissant quelques liens avec le SDA, ici on a droit à une connexion bien plus flagrante avec la première trilogie, ce qui nuit pas mal à l'esprit enchanteur et l'ambiance de fable du livre. Il y a des scènes qui restent « modestes », ne nuisant pas à cet esprit, tout en permettant un vrai lien avec le SDA (Bilbo qui commence à dépendre de l'anneau), alors que d'autres deviennent vraiment sombres et menaçantes et s'éloignent de l'esprit du livre (Gandalf face au Nécromancien, scène tout de même excellentissime pour les fans !).

La Désolation de Smaug reste une grande réussite, comme les précédents films, et il n'y a pas vraiment de fausse note. Les acteurs sont toujours justes, les effets réussis – malgré le numérique envahissant –, la musique toujours de qualité – malgré un manque de scènes remarquables ou d'envolées émotionnelles, mais toujours des thèmes emblématiques –, et les images sublimes. Le vrai problème du film réside donc dans son rythme très inégal ainsi que son aspect moins conte (donc moins fidèle à l'esprit du livre), et cela le rend plus difficile à noter pour moi.

J'ai hésité entre 8 (très bon) et 9 (excellent) mais au final, sans trop réfléchir et en me basant sur la première impression qui me vient, la Désolation de Smaug m'a très légèrement laissé une moins bonne impression que un Voyage inattendu. Je disais concernant le premier film qu'il s'agissait déjà d'une version longue, eh bien concernant ce second, je pense qu'une telle version pourrait servir à aérer certaines scènes et à mieux en construire d'autres. Si c'est le cas, alors ma note passerait à 9, car ici je me retiens de justesse de lui céder cette note.

Après tout, le Seigneur des Anneaux a bien eu droit à des versions longues magistrales, et sans elles, les notes globales de la trilogie auraient sans doute été moindres.

A noter cependant qu'après un second visionnage, j'ai mieux apprécié la Désolation de Smaug, et peut-être qu'avec le temps il deviendra aussi bon qu'un Voyage inattendu ? Surtout qu'il n'en faut pas beaucoup pour que ce soit le cas...

Au final : un très bon film, la qualité est là, les créations et dérives par rapport au livre sont globalement bonnes, mais le rythme est trop inégal à mon goût. On passe cependant un excellent moment devant le film, et la toute fin nous laisse sur une énorme impression (c'est peut-être ma partie préférée du film tellement elle est bien mise en scène), et nul doute que Peter Jackson sait nous faire attendre et nous donner envie de voir la suite et fin.

J'attends la version longue pour peut-être mettre 9 !
Yoan_Arrazat
8
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le 15 déc. 2013

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Yoyo la Frite

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