Un film difficile à évaluer puisqu’il n’est visible que dans une version irrémédiablement tronquée de pas moins de 26 minutes (durée effective : 1h12 minutes). Des coupes acceptées par le producteur à la demande expresse du Vatican (le film date de 1967).

Le titre évoque bien évidemment l’œuvre de Jérôme Bosch et tout le film y fait référence. Silvano Agosti (dont la carrière de cinéaste aurait pu s’arrêter là si Ingmar Bergman ne l’avait pas incité à poursuivre après avoir vu ce film), le réalisateur commence son film en zoomant sur 3 détails du retable de Bosch respectivement intitulés « le rêve d’Adam » puis « le péché originel » et « chassés du paradis ». Il s’attache par la suite à illustrer ces situations.

Agosti s’intéresse à un couple qui arrive dans une chambre d’hôtel juste après leur mariage. La fête de mariage nous a permis de découvrir une mariée (Ida Galli alias Evelyn Stewart) jeune et séduisante. Quant au marié, il s’agit de Maurice Ronet (encore une fois excellent). Les prénoms des mariés : Carlo et Carla. Situation idyllique ? Eh bien non, car on sent rapidement que Carlo n’est pas spécialement amoureux. Le spectateur apprend que les époux se connaissent depuis 7 ans (7 ans de réflexion ?) et que Carla est enceinte de 2 mois…

La nuit de noces se révèle tout sauf érotique, du moins dans les attentions réciproques entre époux. L’érotisme est dans les gestes et les envies, ce que la caméra capte parfaitement. Concrètement, la vie de couple s’installe et chacun recherche son confort personnel. Carlo ne trouve pas le sommeil, alors il passe la nuit à se remémorer son passé, tout ce qui l’a conduit là où il en est. Il pense à son enfance dans une famille bourgeoise marquée par la religion catholique et il imagine ce que l’avenir lui réserve probablement.

Ce qui a déplu au Vatican ? Outre la vision du mariage comme un arrangement plus ou moins aliénant (ce que Carlo voit pour l’avenir de son couple est édifiant), de ce qui a échappé à la censure une séquence me paraît révélatrice : une procession religieuse défile sur une hauteur pendant qu’un groupe de jeunes se trémoussent au son d’une guitare électrique et d’une batterie en contrebas. Autant dire que pour le spectateur de 2013, cela semble bien gentil.

Sinon, le film accentue de nombreux détails, à l’image de l’œuvre de Bosch foisonnante de scènes les plus diverses de ce que l’homme accomplit pour transformer l’Eden en Enfer. De nombreux gros plan mettent en évidence ce qui compte aux yeux du réalisateur. Il y a également un gros travail sur la bande-son et la musique est signée Ennio Morricone. Autant dire que si l’œuvre de Bosch est pleine de symboles, le film n’en manque pas.
Là où le spectateur objectif peut tiquer, c’est du côté de la vision du couple encore très marquée par le mythe du péché originel tel que le catholicisme le présente. Le symbole en étant Eve la tentatrice. Les féministes risquent de déplorer que l’échec du couple soit présenté comme étant avant tout la faute de la femme, puisque celle-ci est montrée comme futile, bavarde et capricieuse, avec une forte tendance au dirigisme. Le principal défaut de l’homme étant ses accès de violence. On y ajoutera son indifférence vis-à-vis d’une femme dont il ne se rappelle le charme que lorsqu’une envie sensuelle vient le tourmenter. Bref, une vision pessimiste du couple qui permet de voir également Léa Massari.

Le film est tourné dans un noir et blanc dont la qualité (voir l’affiche) ne fait tout de même pas oublier que l’œuvre de Jérôme Bosch est, elle, en couleurs : http://a141.idata.over-blog.com/4/95/95/23/images-sept-2012/Bosch-Jardin_des_delices-1504.jpg
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le 22 avr. 2013

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