Vous avez aimé la reproduction du Débarquement en Normandie avec moult figurants et navires fournis par l'US Navy ? Si oui, cette version japonaise n'est pas pour vous. Pourtant, elle porte bien son titre : s'intéresse revient effectivement à un jour majeur de l’histoire du Japon, et elle est effectivement très longue.

Ce film commence par une introduction de 20 minutes – le générique de début arrivant à la fin de cette introduction – durant laquelle un narrateur revient sur les événements survenant entre la Déclaration de Potsdam – le 26 Juillet 1945 – et la décision japonaise de mettre un terme à la Guerre, le 14 Août de cette même année. Cette Déclaration alliée énumère les conditions de la reddition nippone, auxquelles le gouvernement se doit de souscrire immédiatement sous peine de représailles. Lequel gouvernement répond qu’il y réfléchit. D’après le narrateur, les Américains font alors une « faute de traduction » en comprenant qu’ils refusent leur ultimatum, et décident de leur balancer deux bombes atomiques. En même temps, nous ne pouvons pas leur donner tort : en Japonais, dire qu’ils vont « réfléchir » signifie qu’ils vont tenir des réunions jusqu’à ce que quelqu’un prenne la responsabilité d’une telle décision ; ce qui durer longtemps et revient donc à refuser.

Une fois cette introduction terminée, et le contexte historique parfaitement remis en place (avec plus ou moins de mauvaise foi), le film rentre dans sa première partie, qui consiste à prendre une décision définitive quant à la prolongation ou non de la guerre. Cette partie, d’environ une heure, porte essentiellement sur la discussion et le côté extrêmement procédurier des Japonais. Nous comprenons rapidement les problèmes de chacun, avec en particulier des ministres issus de l’armée, partagés entre leur volonté de défendre leurs chances jusqu’au bout sur leur territoire, leur volonté de protéger la population civile, et leur peur que leurs subordonnées refusent toute proposition de paix. Ce passage s’avère long et même laborieux, les Japonais ergotant pendant des heures sur des détails, une phrase à changer dans un discours, comme s’ils n’avaient pas conscience de l’urgence de la situation, ou s’en moquaient éperdument : la procédure doit être respectée jusqu’au bout. Historiquement, c’est absolument passionnant, et la psychologie des protagonistes est magnifiquement mise en valeur. Mais en tant que long-métrage, c’est lent et limite frustrant.

La seconde partie revient sur l’Incident de Kyujo, dans la nuit du 14 au 15 Août 1945, soit entre le moment où le gouvernement décide d’accepter sa défaite, et l’allocution officielle de l’Empereur l’annonçant au peuple. Durant celui-ci, une faction de l’armée – refusant la défaite avant que tous les Japonais n’aient péri, et persuadés que l’Empereur est manipulé par les fonctionnaires civils – décide de prendre le contrôle pour poursuivre l’effort de guerre jusqu’au bout ; peu leur importe qu’ils gagnent ou perdent contre les Alliées, il leur est impossible de s’avouer vaincu. Il s’agit là de l’expression ultime d’une jeunesse fanatisée pour qui rendre les armes serait un déshonneur et une trahison. Cette partie impressionne autant par son action que par le comportement presque surréaliste des rebelles, mais en dit aussi long sur la mentalité de l’époque et sur le traumatisme qu’a pu être cette capitulation, dans un pays où beaucoup reprochent alors à leur gouvernement de leur avoir interdit de défendre leurs idéaux sur leur propre territoire.

Le Jour le Plus Long du Japon est une œuvre exigeante car demandant au spectateur de s’intéresser à l’Histoire, et de surmonter une première moitié que d’aucuns qualifieront même de pénible. Mais ceux qui réussiront, trouveront un long-métrage passionnant sur une période finalement méconnue de la Seconde Guerre Mondiale, car ne nous ayant pas touché directement. Pour cette prestigieuse production, la Toho s’est donné les moyens de ses ambitions avec une reconstitution soignée et un casting de grande classe, à commencer par un Toshiro Mifune au sommet de son art. En outre, ce film regorge de scènes impressionnantes, comme le départ d’une escadrille de Kamikazes encouragés par la population, ou des fonctionnaires fondant en larmes tandis que l’Empereur fait part de son intention de mettre un terme au conflit. Nous noterons au passage la déférence exprimée envers le personnage de l’Empereur, encore vivant au moment du tournage, mis-en-scène de manière à ce que son visage n’apparaisse jamais. D’ailleurs, tout le traitement dévolu à l’Empereur ne peut que nous surprendre, nous autres Occidentaux, tant il parait codifié et sacré ; même une bobine contenant l’enregistrement sonore de sa voix se doit d’être manipulée avec des gants, et les Japonais doivent s’incliner en sa présence.

Pour l’ampleur du projet, la qualité de son interprétation, son analyse de la société japonaise de l’époque, et son histoire fascinante, Le Jour le Plus Long du Japon mérite d’être découvert même s’il demande au spectateur de fournir un effort.
Ninesisters

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