Le Journal de Yunbogi
6.6
Le Journal de Yunbogi

Court-métrage documentaire de Nagisa Ōshima (1965)

Le journal de Yunbogi (1965) - ユンボギの日記 / 24 min
Réalisateur : Nagisa Oshima - 大島 渚
Mots-clefs : Japon – Corée – Photographie


Le pitch :
Garçon coréen de 11 ans, Yunbogi Y vend des chewing-gums dans la rue depuis que son père n’est plus capable de subvenir aux besoins de sa famille, et que sa mère les a brusquement quittés…


Premières impressions :
Court métrage réalisé à partir de photographies et de voix off, «Le journal de Yunbogi » est un film extrêmement singulier, tant par la forme que par le fond. Il s’agit d’une des rares œuvres japonaises qui met le Japon face à ses responsabilités dans la colonisation de la Corée et de l’extrême pauvreté qui s’en suivie. Les images, le texte, la narration sont brutales et nous confronte à une réalité et à une histoire qu’on a parfois du mal à imaginer aujourd’hui en regardant Séoul la magnifique.


Ce film, c’est un témoignage de Nagisa Oshima, japonais, sur la Corée du Sud, qu’il a visité en 1964. Là-bas, dix ans après la guerre civile, presque vingt après la fin de la seconde guerre mondiale, il fut confronté à la misère dans les rues de Séoul, à ces petits garçons et ces petites filles, le ventre gonflé par la faim, qui mendiaient ou faisait des boulots de misère pour essayer de survivre. Ce pays si proche, annexé par les siens pendant la première partie du 20éme siècle, était dans une des pires pauvretés de la planète. Oshima est un révolutionnaire, mais ce voyage fut un déclic à n’en pas douter.


Impossible pour Oshima de tourner un tel film dans un Japon qui, toujours aujourd’hui, n’est pas capable de regarder en face sa responsabilité dans les cruautés du colonialisme et de la seconde guerre. Impossible également de tourner un film en Corée, par manque de moyens. Alors Oshima décide de s’appuyer sur le journal d’un jeune coréen publié à l’époque au Japon. Un journal dans lequel un enfant de dix ans témoigne de sa vie et par là même de la condition de toute la Corée. Sur des photos d’archives et sur ses propres photos, il extrait le texte du journal qu’il fait lire à un enfant et y répond par sa voix d’homme. Une bombe politique, une bombe sentimentale, un face à face frontal.


Ce film m’a profondément ému. Il m’a ému parce qu’il ne date que de 1965 et qu’il a plus ou moins l’âge de ma mère, c'est-à-dire plus ou moins l’âge des parents de mes amis coréens. J’ai beau le savoir, ce film me met face à une réalité historique qui explique tant pourquoi la société coréenne est aussi conservatrice et pourquoi cette société sacrifie son âme au bien matériel et à l’éducation à outrance. Ce pays a manqué de tout. Les quinqua, les quadras, ont manqués de tout. Ils étaient ces enfants. Pas toute la population bien sûr, mais l’image est suffisamment évocatrice pour avoir traumatisé un pays entier.


Que cela vienne d’un japonais, de l’altérité, du bourreau symbolique rend le film encore plus fort. Il ne m’a pas impacté pour les mêmes raisons qu’il aura touché le public de 1965, mais son poids et son message sont toujours aussi puissants.


Merci monsieur Oshima, je ne vous aime pas toujours mais, « Le journal de Yunbogi », en 24 minutes, vaut bien tous les livres de sociologie et d’histoire.

GwenaelGermain
8
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Mes films japonais, Réalisateur : Nagisa Ōshima et Vu en 2017

Créée

le 13 juin 2017

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