Esprit Criminel

Adapté d'une pièce de théâtre britannique de Barré Lyndon, Le mystérieux Docteur Clitterhouse réalisé par Anatole Litvak, donne l’opportunité à Edward G Robinson et Humphrey Bogart de se retrouver face à face devant la caméra pour la troisième fois après Le dernier combat et Guerre au Crime.

Dans le cadre d'une expérience scientifique et médicale ayant pour but d'améliorer la société au niveau de la criminalité, le docteur Clitterhouse (Robinson) commet des hold-up. Il pousse plus loin son expérimentation en intégrant un gang afin d'être acteur et surtout observateur du comportement et des sensations physiques des criminels durant leurs méfaits. L'intérêt du métrage réside sur son personnage principal, la caméra est constamment braquée sur lui. Ce qui nous laisse en tant que spectateur tout le loisir de l'observer et de l'analyser. C'est quasiment une expérience méta dans laquelle le spectateur devient profiler et Clitterhouse l'objet d'étude. Nous y voyons un homme sympathique, distingué, intelligent, égocentrique, totalement maître de ses émotions quelles que soient les circonstances (la notion de sang-froid revient régulièrement). Le scénario propose à son sujet une évolution très intéressante.

À ce propos, l’écriture de John Wexley et John Huston est très raffinée. Elle donne une agréable élégance au personnage, une particularité qui permet de créer un décalage avec ses interlocuteurs. Cette opposition de langage entre le Docteur qui est dans un registre soutenu et les gangsters qui sont dans le familier donne ce petit côté comique à l'histoire. Cette légèreté narrative se retrouve également dans certaines séquences, notamment dans cette superbe scène pleine d'aplomb ou un policier se fait totalement ridiculiser par Clitterhouse, alors que celui-ci est en possession de bijoux volés ou bien lorsqu'il pratique ses tests physiologiques en plein cambriolage. De plus, les deux auteurs prennent une direction tout à fait inattendue concernant certains retournements scénaristiques qui sont habilement amenés.

La performance d'Edward G Robinson est tout bonnement fantastique, il incarne merveilleusement bien Clitterhouse, en lui conférant toute la distinction et l'intelligence qui caractérise son rôle. La prestation est d'autant plus remarquable lorsqu'elle vient se confronter à celle d'Humphrey Bogart, d'une classe sans nom. Celui-ci avec une économie de geste parvient à transmettre le danger qu'il incarne. Il suffit qu'il arrive dans la pièce pour qu'un malaise se fasse ressentir. C'est un plaisir en tant que spectateur d'observer cette opposition de style servie par deux grands acteurs. Cela donne indéniablement, une plus-value au film.

Plus qu'un drame saupoudré d'humour, Le mystérieux Docteur Clitterhouse propose une analyse comportementale et de la criminologie passionnante. Même si la réalisation d'Anatole Litvak reste pour la plupart du temps en retrait, c'est pour mieux mettre en avant la qualité du scénario et la prestation de deux monstres sacrés du cinéma.