Le nom de famille... Voilà un attribut qu'on nous assigne de gré ou de force, et qu'il nous faut porter jusqu'à ce que mort s'en suive, ou bague au doigt s'enfile. Et avec lui, c'est un passé, une histoire familiale, bref un fagot de petits bois généalogiques qu'il nous faut trainer. Mais il arrive que ce nom de famille ne représente pas, dans les clichés bien établis, votre vraie vie. Il arrive qu'il soit trompeur.

Arthur Martin le sait bien. Lui qui porte le nom de famille le plus répandu de France et qui est l'homonyme d'une marque française, comme se plait à le lui rappeler toute personne à qui il se présente. Au premier abord, ce quadragénaire habillé sobrement, adepte du principe de précaution maximum ne semble pas dépareiller avec son nom.

De l'autre côté, nous avons Bahia Benmahmoud. Son nom à elle, on ne le devine pas à la voyant débarquer. Une « planquée » comme elle dit, avec sa tête « bien de chez nous ». La jeune femme à un objectif utopique et naïf assez étonnant : coucher avec les gens de droite, qu'elle pense tous facho, pour les convertir à sa doctrine à elle : la gauche, évidemment.

Après une scène d'introduction impeccable, mêlant les souvenirs d'enfance à ceux de leurs parents, mélangeant les techniques de tournages au gré des années, et présentant ce fameux fardeau familial, arrive l'imprévisible rencontre de ces deux personnages que tout oppose. Tout ? Pas vraiment, Arthur est lui aussi de gauche (enfin presque, puisque jospiniste). Bien sûr, ce scientifique est beaucoup moins candide que Bahia, même s'il a, lui aussi, une part de crédulité assez touchante. Alors... pas si opposé que ça ? Le reste de l'histoire nous le dira.

Leur relation, et le film par la même occasion, prend place pile entre l'élection présidentielle de 2002 et celle de 2007. Il traite bien sûr de politique, mais ce n'est pas pour autant, à mon avis, un film politique. En effet, il parle plus des croyances en général, du commutariste de toute sorte qui sévit dans nos sociétés. Qu'il soit religieux, professionnel, intellectuel, tout y passe.

Et la moulinette qui broie tout ça, qui le moud pour le rendre digeste, c'est évidemment l'humour. J'ai énormément ri pendant cette comédie, qui regorge de trouvailles pliantes. Je repense à cette scène qui montre les différentes technologies auxquelles ont crues les parents d'Arthur, et qui n'ont jamais percées, qui a bien faillit m'achever, et j'en rigole encore. Les dialogues sont bons, les acteurs aussi. Et les comiques de situation font légion.

Mais ce qui fait aussi la force de ce film, c'est de parvenir à panacher les scènes. Entre deux tranches d'humour, quelques moments dramatiques, un petit morceau d'émotions, et pourquoi pas une rondelle de sensualité. Le métrage évoque des sujets durs, comme la déportation, la guerre, les attouchements sur mineur. Il les effleure, sans choquer, mais sans pour autant le faire en superficialité. Quelques scènes sont de trop, peut être. Mais il bouleverse aussi et fait réfléchir, derrière son ton innocent et crédule.

Le moteur du film, qui fait vivre ce scénario rocambolesque (peut être, parfois, un peu trop), c'est bien sûr ses acteurs. Gamblin est superbe, toujours aussi posé et juste. Sara Forestier, en fille hystérique et pleine de bonnes volontés, est nue. Euh pardon ! Je voulais dire : ingénue. Lapsus révélateur (si, c'est possible aussi à l'écrit, et puis comme ça c'est dit !). Et ils ne sont pas seules à être à la hauteur, comme les parents de Bahia.

Ce qui me plait dans cette comédie qui se dresse facilement dans mon top de cette année, c'est qu'elle nous propose une belle tranche de notre société. En mélangeant sans complexe cette histoire, mi-fictive, mi-autobiographique (pour le couple scénariste du film), avec de scènes dont nous pouvons tous nous rappeler (élections présidentielles), agrémentées de rencontres inattendues (Jospin vient jouer son propre rôle avec une auto-dérision plus que rafraichissante), Michel Leclerc créé un cocktail explosif. En ces temps de grand froid, cette vivacité fougueuse réchauffe nos esprits, et ça fait du bien.
Mysterarts
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste

Créée

le 3 déc. 2010

Critique lue 1.6K fois

3 j'aime

Mysterarts

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

3

D'autres avis sur Le Nom des gens

Le Nom des gens
Bap
8

Critique de Le Nom des gens par Bap

Même si je ne suis toujours pas fan de Sara Forestier, réaliser une comédie sur l'identité (nationale) qui ne soit ni mièvre, ni stéreotypée, ni larmoyante, ni enfonçeuse de porte ouverte, voilà qui...

Par

le 24 nov. 2010

49 j'aime

4

Le Nom des gens
Wings
8

C'est hyper-facho, le quad. Tu savais pas ?

Le Nom des Gens, c'est le film que je ne voulais pas voir. Le sujet me paraissait casse-gueule et puis cette pauvre Sara Forestier était par trop exaspérante dans l'E(tron)squive. Et bien, ce film a...

le 2 janv. 2013

40 j'aime

3

Le Nom des gens
takeshi29
8

Une comédie française intelligente, enfin !!!

Quand on constate le niveau général de la comédie française, ce film est tout simplement une pépite : écriture d'une finesse et d'une intelligence rares, personnages travaillés et tellement...

le 15 avr. 2011

37 j'aime

3

Du même critique

Le Nom des gens
Mysterarts
9

Critique de Le Nom des gens par Mysterarts

Le nom de famille... Voilà un attribut qu'on nous assigne de gré ou de force, et qu'il nous faut porter jusqu'à ce que mort s'en suive, ou bague au doigt s'enfile. Et avec lui, c'est un passé, une...

le 3 déc. 2010

3 j'aime

Transcendance
Mysterarts
7

[10 mots / ★ ] Transcindé

Je suis partagé. Mon moi virtuel est friand des sujets de SF tels que la nanotechnologie, les IA ou le transfert de conscience dans un ordinateur qui le libérerait enfin de mon moi physique un peu...

le 19 juil. 2014

2 j'aime

Her
Mysterarts
9

[10 mots / ★ ] Agrume technologique

L'univers dépeint est à la fois futuriste et confortable : les buildings côtoient le bois chaud, le tout-connecté se mêle aux chemises agrumes et les lettres sont fausses mais manuscrites. Ces petits...

le 30 mars 2014

2 j'aime