Une succession familiale mouvementée

"Je vais lui faire une offre qu'il ne pourra pas refuser"

Cette phrase résume ce film : parler du milieu de la mafia sans nous en montrer la réalité du terrain.

L'introduction du mariage met en scène une famille unie, et empreinte d'une tradition italo-américaine avec sa musique à la Louis Prima. Les invités célèbrent et sont heureux même si certains détails semblent étranges : des photographes qui se font bousculer, une armoire à glace qui répète son texte pour rendre honneur au Don, et la jeune Kay, petite amie du cadet Michael Corleone, se sentant un peu étrangère à toute cette assemblée.
C'est la grande force de ce film, on va parler de la criminalité en la voyant rarement, ou du moins, on va en être témoin à haut niveau.

Ce ne sont que des personnages feutrés dans leur violence, Tom Hagen, avocat blond germanique au costume impeccable, va négocier des faveurs à un producteur de cinéma, dans la plus grande diplomatie et politesse.. Tout cela pour retrouver la tête décapitée d'un cheval de course au réveil, en représailles d'un refus mal digéré.
"Je vais lui faire une offre qu'il ne pourra pas refuser"

Tout au long du film, on va pouvoir comprendre dans de courts passages, que la famille travaille dans les jeux d'argent, le commerce d'huile d'olive, la sécurité, mais aussi dans la recherche de faveurs spéciales auprès des fonctionnaires américains : par exemple pour permettre l'immigration de compatriotes italiens.

Ceci va rentrer en confrontation directe avec plusieurs phénomènes: le patriarche Corleone commence à prendre de l'âge et une nouvelle opportunité dans le monde de la mafia fait son entrée : les narcotiques.
Cette nouvelle dimension est une possibilité pour la concurrence de rebattre les cartes et de remettre en question l'autorité de la famille.

Dans ces circonstances, le cadet va se révéler par sa détermination et son sens de l'action. Tellement qu'il va s'en salir les mains, au grand dam de Vito Corleone, qui en fera une figure de dégoût dans son lit de convalescence.
L'exil de Michael sur la terre des origines, en Sicile, sera une parenthèse pour essayer de mettre en scène la vertu de ces insulaires. Malheureusement, ce petit paradis s'avère être une terre perdue, gangrenée par la pauvreté, un code de l'honneur dévoyé à la première occasion pour un peu d'argent : sa première femme en mourra.

Il le réalise désormais, les morts s'empilent et la famille Corleone perd du terrain.
Son retour discret sera l'occasion d'un nettoyage commandité depuis son costume de baptême et son fauteuil de la demeure familiale. Tout doit faire place nette. Cette journée noire assoit fermement Michael comme le nouveau Don.

La lucidité totale et l'absence complète de naïveté de Michael Corleone quand il ment, à plusieurs reprises, sur la réalité de sa famille, à sa petite amie Kay, sont exactement ce que l'histoire veut nous véhiculer : une mafia distante de sa violence, empreinte de valeurs bienveillantes envers leur communauté, avec des dirigeants de haute stature qui ont des actions visionnaires sur leur décennie à venir.

Michael ment à Kay exactement comme le film veut mentir à son spectateur.

Un grand classique intemporel qui fait partie de la légende de Marlon Brando et qui va aider à lancer Al Pacino, future légende d'Hollywood.